Méditation n°10 : de la nécessité de choisir ton combat





Tu fais le pari d’un Univers non totalement déterministe, où un libre-arbitre minimal existe et permet une autonomie interdépendante qui autorise d’influencer le changement, c’est-à-dire le cours de l’Histoire, dans une meilleure direction. Dans cette hypothèse métaphysique, le libre-arbitre et l’autonomie interdépendante permettent à l’éthique et à la politique d’avoir un sens pratique, de ne pas être juste des illusions. Bref, tu fais le postulat que l’être humain dispose d’une puissance d’agir, individuelle et collective. Cependant, tu reconnais l’énorme déterminisme à l’œuvre dans l’Univers. On ne peut pas tout changer, la puissance d’agir maximale de l’Humanité est limitée.

Tu as fait l’inventaire de tout ce que tu ne pourras jamais changer. Fou celui qui voudrait faire son combat d’un phénomène qu’il ne peut changer. L’Engagement n’a de sens que là où il est possible d’influencer Soi-même, Autrui, le Monde.

Tu veux faire le Bien et lutter contre le Mal. Tu as fait l’inventaire de tous les maux. Nombreux sont ceux qui existeront toujours, si pas tous. Néanmoins, le Mal peut varier en quantité, en qualité, en intensité, en extension, en durée. Minimiser le Mal est un impératif éthique absolu qui naît de la Responsabilité qui émerge de notre puissance d’agir. Dès lors, l’Engagement, au sein d’une éthique existentielle, implique nécessairement de chercher à minimiser un ou plusieurs maux spécifiques, de sorte de minimiser globalement le Mal.

Tu as décidé de t’engager pour la cause écologique, que tu estimes, en toute logique, être la plus grande cause, la Cause avec un grand C. Tu luttes contre l’Écocide et pour la Métamorphose.

Ton arme est la plume.

Cependant, ta puissance d’agir est limitée. Quand bien même tu disposerais d’une puissance d’agir maximale en tant qu’individu, elle est également soumise à la limite.

Dès lors, tu ne peux pas lutter contre tous les maux, tu ne peux pas t’engager pour toutes les causes. Et tu ne peux lutter contre plusieurs maux, t’engager dans plusieurs causes, qu’en divisant ta puissance d’agir en autant de parties, chacune inférieure à ta puissance d’agir maximale.

Les lois de l’Action imposent toujours le choix donc le Sacrifice.

La seule manière de concentrer ta puissance d’agir maximale est donc de la consacrer à une seule cause. Dès lors que tu fais tienne une deuxième cause, tu ne peux déjà plus consacrer une puissance d’agir maximale à une cause.

En outre, en changeant trop régulièrement de cause au cours de ton existence, tu ne maximises pas ton influence car le changement dans le monde exige un apprentissage, une expérience, une expertise, une persévérance sans faille, l’application d’une force significative à un point donné, pendant un certain temps, pour obtenir le moindre effet.

C’est pourquoi il est vraisemblable que la maximisation de la puissance d’agir individuelle dans l’Engagement requiert idéalement le choix d’une seule grande cause qui animera toute une existence. Ce qu’on pourrait appeler une fidélité à la cause.

Ton analyse t’a conduit à penser que la cause écologique est la plus grande cause de toutes les grandes causes, pour diverses raisons logiques et éthiques. De cœur et de raison, ce sera donc ta cause.


Tu pourrais croire qu’il te suffit maintenant d’exclure toutes les autres causes de ton champ d’action pour être quitte, et libérer ton esprit du doute. Mais ce n’est pas si simple car la cause écologique est une cause systémique, complexe, méta, fractale, c’est-à-dire qu’elle se révèle partout, tout le temps, de manière transversale, à toutes les échelles.

La cause de sauver cette grenouille ou ce papillon ou cet arbre particuliers, ce bosquet, cette forêt, cet écosystème, etc., la lutte contre la catastrophe climatique, la 6ème extinction de la vie sur Terre, la pollution de l’air, de l’eau, des sols, la transformation de l’économie, la transition énergétique, la bifurcation de la civilisation, l’éducation à l’environnement, la politique de la Métamorphose, l’éco-anxiété, les guerres pour les ressources naturelles, la transition juste, etc. Tout est imbriqué, tout est lié. Le philosophe Edgar Morin parle du principe hologrammique : le tout est dans chaque partie et dans chaque partie, il y a d’une certaine manière le tout.

Et la Cause écologique s’articule à l’immense majorité des autres causes : le féminisme, l’anti-colonialisme, la lutte pour la démocratie et la paix, etc.

La Cause écologique est un fait total.

En termes de moyens, tu situes ton engagement au niveau de la pensée, de l’écrit, de la parole, au niveau de la philosophie, de l’éthique, de la politique. C’est-à-dire que tu veux apporter une contribution méta à un problème méta.

Enfin, même si tu concentres tout ton engagement sur la Cause écologique, elle est encore si vaste qu’il va falloir cerner davantage le point d’application de ton effort si tu veux performer.

Dès lors, quels critères appliquer pour écarter l’accessoire et te concentrer sur l’essentiel ? Quel Sacrifice vas-tu faire pour réaliser ton Engagement ? À quelles causes choisis-tu renoncer au quotidien ?

Tu décides, en âme et conscience, de renoncer à placer au cœur de ton Engagement toutes les causes suivantes :

  • La lutte pour la sécurité et contre les armes de destruction massive, en ce compris l’arme nucléaire
  • La lutte pour la paix et contre les guerres, les guerres civiles, les génocides, les massacres, la torture partout dans le monde
  • La lutte pour le bien-être et contre la faim, la maladie, la pauvreté, le chômage et la misère partout dans le monde
  • La lutte pour le respect et contre toutes les maltraitances et discriminations envers les enfants, les femmes, les personnes racisées, handicapées, âgées, les minorités, les activistes, les intellectuels, les artistes, etc.
  • La lutte pour la démocratie et contre les dictatures en Chine, en Russie, en Biélorussie, en Corée du Nord, en Afrique, en Asie, au Moyen-Orient
  • La lutte pour la démocratie et contre l’illibéralisme qui gangrène les démocraties en Europe, en Amérique, en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique et en Océanie
  • La lutte contre le racisme, le colonialisme, l’impérialisme
  • La lutte pour la sécurité et l’état de droit et contre la criminalité (assassinats, meurtres, viols, traite des êtres humains, vols, fraudes, corruption, etc.)
  • La lutte pour la liberté de la presse et contre la désinformation
  • La lutte pour le bien-être animal et contre la maltraitance du vivant
  • La résolution du conflit israélo-palestinien
  • La fin de la guerre en Ukraine
  • La lutte contre le cancer
  • La lutte contre la drogue
  • La politique de migration
  • La lutte pour l’égalité des genres
  • La lutte pour le bien-être au travail et contre le bore-out, le brown-out et le burnout
  • La coopération au développement
  • La promotion de la culture et de l’art et la lutte contre l’inculture
  • La promotion de la connaissance, de l’humanisme, de la science, et la lutte contre l’ignorance, l’obscurantisme et la pseudo-science
  • La promotion de la convivialité familiale, civile, religieuse, digitale, politique et la lutte contre toutes les formes de violence dans la société
  • La réforme de l’enseignement
  • La réforme des pensions
  • La promotion des modes de vie sobre
  • La promotion du patrimoine et de la mémoire
  • La promotion du sport et de l’activité physique
  • L’éthique en politique, la citoyenneté
  • La politique locale, régionale et fédérale
  • La propreté publique
  • etc.


Toutes ces causes ne sont pas d’une envergure équivalente mais toutes sont légitimes, toutes sont dignes d’engagement, toutes sont importantes.

Toutes ces causes, tu le sais, sont mises en péril par l’inaction collective pour la Cause écologique. Indirectement, en luttant pour la Métamorphose, tu luttes en fait pour toutes ces causes. Tu poses que chaque personne engagée dans une de ces causes, qui n’articulerait pas son combat avec la Cause écologique, fait fausse route. Tu réfutes avec force la non hiérarchie des causes. La Cause écologique domine logiquement et éthiquement toutes les autres. Il n’y a plus de cause sur une planète vide d’êtres humains.

Tu proclames que tu es solidaire de toutes ces causes. Toutes ces causes te tiennent à cœur. Tu n’en ignores pas le caractère systémique et intersectionnel. Tu veilles à articuler ton combat écologique avec toutes ces causes, chaque fois que cela est possible.

Dès à présent et jusqu’à l’extinction de tes forces, ta cause est la Cause écologique, c’est-à-dire la poursuite de l’aventure de la Vie et de l’Humanité sur la Terre, la préservation de la Sensibilité, de l’Intelligence et de la Conscience.

Ceci est ton catéchisme.




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