Mal





Qu’est-ce que le Mal ? Existe-t-il ? Cela a-t-il du sens de parler du Mal comme un phénomène réel et comme un phénomène général ? Qu’en penser ? Qu’en faire ?

Le Mal est une notion essentielle en Philosophie, Ethique, Esthétique.

Absurde, Tragique, … le Mal y est présent.


Je tombe malade, je subis un accident, on me trompe, on me vole, on m’agresse, je vieillis, je meurs. Je fais du mal à l’Autre et l’Autre me fait du mal, ainsi qu’à ceux que j’aime. L’Univers lui-même fait du mal à l’Humanité en lui infligeant la maladie, la vieillesse, la mort et toutes les souffrances de l’existence vivante.

Toutes et tous, nous faisons inévitablement l’expérience du Mal et ce, dès la naissance, dès la conception, et même avant. Dès la naissance, cela parait évident. Dès la conception car un parent ou une maladie a la capacité de malmener la bonne croissance d’un fœtus, c’est-à-dire de nuire à ses intérêts supposés. Le Mal s’abat déjà sur une existence à peine émergente. Avant même notre conception par nos parents, on pourrait dire que l’être-à-naître en subit déjà les conséquences potentielles. On peut être conçu dans une société maléfique, comme dans les années 30 sous les Nazis et en subir déjà les conséquences (euthanasies d’enfants handicapés…).

Le Mal est un phénomène d’origine humaine ou naturelle qui ne peut affecter que les êtres vivants. On ne peut pas déplorer comme un mal l’impact de deux astres dans une galaxie éloignée, qui n’aurait d’impact sur aucun être vivant. Le Mal affecte un être vivant parce qu’il nuit à ses intérêts évidents, parce qu’il constitue une Adversité évidente, contraire à ce que l’être vivant peut absolument désirer.

Le Mal génère la plupart du temps de la souffrance chez les êtres vivants sensibles. La souffrance peut-être morale, affective, corporelle (douleur). Mais il arrive régulièrement que cette souffrance est absente car l’être vivant ignore qu’il subit un mal. Le Mal est intimement lié à la SouffraSouffrance – Douleurnce.

Le Mal génère en outre une souffrance supplémentaire chez les êtres vivants sensibles et conscients, il s’agit de la souffrance existentielle qui accompagne le sentiment de l’Absurde et du Tragique lié au constat du Mal irrémédiable.

Le Mal est une notion relative et semble a priori l’inverse du Bien. Je subis un mal par rapport à un bien potentiel. On me vole alors qu’on aurait pu respecter ma propriété. On me ment alors qu’on aurait pu me dire la vérité. Je vieillis et je tombe malade alors que je voulais garder un corps en bonne santé. Je meurs, naturellement ou non, alors que je voulais vivre.

Le Mal est aussi l’absence ou la négation d’un bien. Je suis aveugle, estropié, sans ressources.

Mais le Mal n’est-il pas dans certains cas aussi une notion absolue, qui ne nécessite pas d’être mise en rapport avec un bien ? Le Mal n’est-il pas aussi dans de nombreux cas une réalité en soi, une affirmation d’une présence « positive » dans le Réel et pas seulement une négation ou une absence de quelque chose ? Si des parents ne s’occupent pas bien d’un enfant, c’est un mal par absence de soin suffisant. Mais si des parents torturent et assassinent leur enfant, cela semble un mal absolu, une réalité en soi et non une absence de quoi que ce soit.

Il y a dans le Mal une tendance à la séparation, à la négation, à la destruction, à l’anéantissement. Le Mal renvoie à la scission, à la suppression, à la Mort, au Néant. Négation du bien, de la dignité, de l’intégrité corporelle, du bien-être, de la justice, de la vérité, de la beauté. Vol, destruction, exploitation, ignorance, médisances, mépris, insultes, mensonges, discriminations, injustices, coups, viols, mutilations, tortures, meurtres, assassinats, massacres, guerres civiles, guerres classiques, génocides, crimes contre l’humanité, Ecocide planétaire…

Certains philosophes estiment que le Mal n’existe pas, d’autres qu’il existe bel et bien. De nombreuses spiritualités en font une notion centrale.

Pourquoi le Mal existe-t-il ? Quel en est la cause ? Quelle en est l’origine ? Pourquoi commettons nous des actes malfaisants ?

Pour quoi (pour… quoi) le Mal existe-t-il ? Quelle en est la conséquence ? Quel en est la finalité ? En a-t-il une ? Pour quoi commettons nous des actes malfaisants ?

Il n’y a pas que l’autre qui nous fait du mal. Nous sommes chacun à la fois notre propre victime et notre propre bourreau. Nous nous infligeons à nous même beaucoup de mal. Nous ne prenons pas soin de nos corps, de nos esprits, de nos âmes, de nos relations, de nos sociétés, de nos enfants, de notre avenir.

Le Mal revêt parfois le caractère discret du banal, du quotidien, de l’anodin. Chacun, chaque jour, commet sans doute le Mal « en passant », à petite échelle, pas toujours en toute connaissance de cause. Des actes banals, quotidiens, anodins lorsqu’ils sont pris séparément, peuvent pourtant contribuer au plus grand Mal. La philosophe Hannah Arendt a théorisé la « banalité du mal » et en fait une cause explicative des crimes contre l’Humanité commis par les Nazis. Quand les actes petits et grands concourent au Mal, il finit par prendre un caractère éclatant, existentiel, ayant une portée universelle, comme la Shoah.

Le sublime théorisé notamment par le philosophe Emmanuel Kant porte également sur le caractère insaisissable, sidérant, du Mal. Sublime signifie « au-delà de la limite ». Le Mal dépasse nos limites, notre entendement, il nous sidère, il est au-delà de ce que nous pouvons concevoir. Il est inconcevable, impensable, indicible, inaudible, imperceptible et en même temps, la souffrance existe, bien réelle. Le Mal est sublime.

Nous sommes fascinés par les personnages maléfiques fictifs ou réels comme Dark Vador, le Joker, Hitler, Staline. Nous sommes fascinés par les actes malfaisants comme les guerres, les meurtres, les vols, les mensonges. Pourquoi cette fascination pour le mal ?

Aimons-nous faire le mal ? En jouissons-nous ? La question des criminels, des psychopathes, des sociopathes, se pose quant à la possibilité de jouir du mal.

Le Mal s’exprime dans la relation d’un sujet à un autre sujet, dans la relation à l’Autre. Commettre le Mal est aussi une manière d’exprimer notre toute-puissance. Si je suis capable de commettre le Mal à volonté, ne suis-je pas l’équivalent de Dieu ? Ne suis-je pas tout puissant ? N’ai-je pas un contrôle absolu sur l’Autre ? N’ai-je pas un contrôle absolu sur ma propre souffrance, ma propre vulnérabilité au mal, lorsque je l’inflige à l’Autre tandis que l’Autre est impuissant à me l’infliger ?

Il faut aussi parler du scandale du Mal. Comment tolérer que le Mal existe dans l’Univers ? Comment tolérer que les éléments déchaînent leurs maux contre les êtres vivants ? Que les êtres vivants doivent subir toute la malfaisance contenue dans l’Existence ? Comment accepter qu’une immense partie du Mal est commise par l’Humain contre l’Humain ? Comment accepter que certains actes malfaisants sont commis en pleine conscience, volontairement, lucidement ? Comment accepter que certains actes malfaisants sont organisés, planifiés, parfois à une échelle industrielle par tout un peuple ? Comment accepter que le Mal soit éternel et universel, existe depuis toujours et se répande partout ? Pourquoi l’histoire humaine en est-elle remplie ? Pourquoi ne parvenons-nous pas à l’éradiquer une bonne fois pour toute ? Sommes-nous une espèce biologiquement malfaisante ? Ces questions font partie de ce que les philosophes et théologiens appellent la « théodicée ». Comment, si Dieu existe, tolère-t-il le Mal ?

Le Mal peut-être commis par ignorance mais aussi par volonté consciente. Commet-on le mal lorsqu’on ignore qu’on commet le mal ?

Le Mystère du Mal est une de ses plus grandes caractéristiques.

La lutte du Bien contre le Mal est au cœur de la plupart des spiritualités et des histoires que l’on se raconte depuis le fond des âges. Le Mal est en et autour de l’Humanité et la lutte contre lui accompagne l’aventure humaine depuis la nuit des temps. Il semble que le Mal soit spontanément une force plus puissante que la force spontanée du Bien, et que le Bien doive s’armer -quoi que cela signifie- pour exister en résistant au Mal. Le Mal nécessite d’être confronté par une éthique de la Révolte et de la Résistance.

Le Mal est un concept qu’il s’agit de réexplorer dans un siècle où l’écologie est la question centrale. L’Écocide, la destruction de la Vie sur Terre, paraît un mal absolu, peut-être pire qu’un génocide car il est en quelque sorte le « génocide des génocides », celui qui frappe tous les « genos », toutes les espèces vivantes sur Terre, et les condamne potentiellement toutes.

Depuis l’explosion de la première bombe atomique à Hiroshima, le philosophe Gunther Anders a montré que nous subissons un décalage prométhéen entre notre puissance technoscientifique, et notre capacité à la maîtriser, à en saisir toutes les conséquences, à en être responsables. Nous avons la capacité de nous auto-détruire mais pas la capacité de contrôler notre puissance destructive. De même pour les autres armes de destruction massive, pour l’économie mondialisée, pour l’Intelligence artificielle, etc. Nous sommes désormais comme des apprentis sorciers, dépassés par nos créations.



Fours crématoires, Auschwitz


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