Masque de tragédie grecque, 4e siècle avant J.-C., Musée archéologique du Pirée. George E. Koronaios, https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0

Notre Existence est Tragédie car elle se termine toujours mal. Elle n’est pas un « feel good movie ». Il n’y a aucun « happy end ».

Un nourrisson meurt le jour de sa naissance. Des millions de Juifs ont été exterminés par les Nazis. Des dictateurs meurent dans leur lit. Des enfants sont torturés, violés, assassinés. Le lion dévore la gazelle. Les personnes les plus vertueuses attrapent un cancer tandis que des psychopathes accèdent au pouvoir suprême et bénéficient de toutes les récompenses de la vie. Les civilisations naissent, déclinent, disparaissent dans l’oubli.

L’Existence, la Vie et la Condition humaine sont tragiques. L’Existence est une tragédie. D’abord parce que l’Existence est une histoire qui se termine toujours mal, elle est un drame, son issue est fatale : la Mort. Ensuite parce que l’histoire elle-même est frappée par le Mal, la Souffrance et la Mort.

Le Tragique renvoie ainsi au Mal, à la Souffrance et à la Mort inéluctables. Toutes et tous nous subissons et infligeons le mal, souffrons, puis mourons.

L’Histoire de l’Humanité, comme l’histoire de l’être humain, n’est qu’une longue tragédie faite de souffrance, de malheur et de mort.

La tragédie est un genre théâtral dont l’origine remonte au théâtre grec antique. Dans les tragédies, les personnages font face à une terrible adversité qui les conduit la plupart du temps au malheur et à la mort, déclenchant la pitié du public. Souvent, la tragédie comporte une leçon de vie qui édifie le spectateur.

Dans l’Ancien Testament, la tragédie survient dès après la création de l’être humain par Dieu. Le bannissement d’Adam et Eve du Jardin d’Eden, le meurtre d’Abel par son frère Cain, le fils aîné d’Adam et Eve. Eve est condamnée à enfanter dans la douleur. L’Ancien Testament regorge d’atrocités. Dans le Livre de Job, un homme nommé Job, vertueux et heureux en tout, est mis à l’épreuve par Dieu qui frappe de malheur ses biens, ses proches et Job lui-même.

La Tragédie objective de l’Existence nous confronte au problème du Mal et donc au problème de Dieu. Le philosophe Leibniz avait développé une explication de l’apparente contradiction entre l’existence du Mal et deux caractéristiques propres à Dieu : sa toute puissance et sa bonté. On appelle ce genre d’explication une théodicée.

Lors du tremblement de terre de Lisbonne, le 1er novembre 1755, une célèbre polémique naquit entre différents philosophes du Siècle des Lumières, dont Voltaire et Rousseau, se demandant comment Dieu pouvait autoriser qu’un tel malheur s’abatte sur des gens aussi pieux. L’origine du Mal était-elle humaine ou divine ?

La Shoah, l’extermination des Juifs par les Nazis durant la Seconde Guerre mondiale, ébranla comme le tremblement de terre de Lisbonne les convictions philosophiques du XXe siècle. Comment Dieu peut-il exister et tolérer cela ? Comment l’être humain peut-il infliger cela à l’être humain ? Comment une des sociétés dites « les plus cultivées et civilisées » du monde, l’Allemagne, a-t-elle pu engendrer cette industrie génocidaire ?

L’Humanité semble condamnée à revivre sans cesse de nouvelles tragédies. Il semble irréaliste d’imaginer un quelconque progrès moral et politique inexorable après les catastrophes du XXe siècle.

La Tragédie est sans conteste une des causes principales du caractère absurde de l’Existence.

Nous existons pour le pire et le meilleur, et peut-être surtout pour le pire.