La Chute d’Icare, Pieter Brueghel l’Ancien, c. 1558.

En langage courant, pouvoir signifie :

  • être capable de, avoir la faculté de, être en état de, être en mesure de,
  • avoir la possibilité matérielle de faire quelque chose,
  • avoir la permission de faire quelque chose
  • exprime une possibilité, un choix qui s’offre à une personne
  • exprime une éventualité, une possibilité, une hypothèse
  • avoir l’autorité, le crédit, le moyen de faire quelque chose


Pouvoir définit une relation d’action, d’influence, en général asymétrique, entre un élément et un autre.

Le mot puissance provient du mot pouvoir et, en tant que substantifs, ces deux mots ont un sens très proche.

La puissance est une notion étudiée depuis l’origine de la philosophie, notamment par Aristote (puissance et acte), Spinoza (puissance d’agir), Nietzsche (volonté de puissance) et bien d’autres jusqu’à nos jours. Elle a également un sens en physique et en politique, ou elle rejoint le sens du mot pouvoir.

Dans la métaphysique d’Aristote, puissance et acte sont deux concepts ontologiques qui fonctionnent en opposition. La puissance est synonyme de potentialité, non encore réalisé, virtualité tandis que l’acte est synonyme de réalisation, de réalité achevée.

Pour Spinoza, la puissance d’agir d’une chose désigne la réalité ou la perfection qu’elle s’efforce d’affirmer en vertu de sa nature propre.

Pour Nietzsche, la volonté de puissance désigne « l’« essence la plus intime de l’Être » dans le sens d’un devenir. Il s’agit d’une pulsion fondamentale de l’homme qui cherche l’accroissement de la puissance. La volonté de puissance peut être positive, c’est-à-dire créatrice, exaltant la vie, ou alors négative, c’est-à-dire être animée par le ressentiment, la haine, la volonté de nuire ou de dégrader. […] Ce concept, quoique très commenté, n’a jamais été défini de manière systématique dans l’œuvre de Nietzsche. »

Pour La Boétie, le pouvoir n’existe pas sans le consentement ou l’assentiment, actif ou passif, de celui sur qui il s’exerce, ce qu’il résume dans la célèbre phrase de son Discours de la servitude volontaire : « Soyez donc résolus à ne plus servir et vous serez libres ».

La toute-puissance désigne en psychologie un fantasme d’omnipotence, la croyance d’un pouvoir illimité. L’impuissance désigne au contraire un fantasme d’impotence, la croyance d’un pouvoir nul.

Les mots pouvoir et puissance génèrent des sentiments ambigus. Positifs chez ceux qui les détiennent et les exercent ou en profitent (le pouvoir de l’Etat, la puissance géopolitique). Négatifs chez ceux qui les assimilent à la domination et à l’aliénation (la soumission au pouvoir, les excès du pouvoir).
Peu d’entre nous voient que pouvoir et puissance désignent avant tout une capacité d’action. C’est ensuite seulement que cette capacité peut se révéler positive ou négative, constructive ou négative.
Nous devrions peut-être pouvoir dire avec joie que nous sommes de plus en plus puissants, que notre puissance d’agir augmente, que notre volonté de puissance anime notre devenir, que nos capacités d’action augmentent.

Il faudrait considérer le déterminisme le plus total pour priver l’être humain de tout pouvoir, de toute puissance. A contrario, si l’Univers est indéterminé, au moins partiellement, et que les êtres humains disposent d’un libre-arbitre minimal qui leur permet d’influencer le cours du changement, alors une autonomie interdépendante est possible. Considérant qu’il est impossible -et sera sans doute à jamais impossible- de prouver l’une ou l’autre de ces hypothèses, il semble raisonnable de faire le pari de cette autonomie interdépendante. Alors une éthique et une politique sont possibles, fondées à la fois sur la capacité de l’individu et des groupes humains d’être conscients, de penser, de parler et d’agir dans le monde et d’être responsables de leurs actes.

De nombreux maux naissent d’une illusion d’impuissance ou de toute-puissance. Aujourd’hui, l’Humanité semble impuissante à maîtriser son pouvoir, sa puissance. Science, technologie, industrie et économie semblent nous doter d’une puissance qui s’avère principalement destructrice. La Mégamachine cause l’Ecocide.

Au niveau individuel, je crois que très peu de personnes sont dénuées d’un désir de puissance inavoué, qui se satisfait modestement chez certains et qui exige des performances majeures, voire historiques chez d’autres. Alors le désir de puissance de l’un est satisfait lorsqu’il a balayé son trottoir, rangé sa maison, repeint un volet, l’autre voudra conquérir le monde et graver son nom dans l’histoire. Même désir de puissance, mais énorme différence d’ambition dans sa portée extérieure.

L’éthique nous impose de trouver la voix d’une puissance juste, qui ne soit ni impuissance, ni toute-puissance.




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