La Limite est omniprésente dans l’Univers, elle le fonde.

La Limite est donc omniprésente en et autour de l’Existence, de l’être humain, de l’Humanité, et de toutes les formes collectives intermédiaires (organisations, institutions, Etat, etc.).

L’être humain est un être strictement limité. Limité dans sa puissance d’agir.

Un constat en apparence trivial. Pourtant, combien l’ignorent en pratique ?

Il importe dès lors d’inventorier, pour mémoire, les limites de notre puissance d’agir humaine. Ces limites reprennent une partie des réalités qu’un individu ne pourra jamais changer ni en partie ni en tout auxquelles s’ajoutent des éléments que l’individu peut modifier mais seulement jusqu’à un certain seuil.

  • Le temps et l’espace, ces quatre dimensions physiques auxquelles seules nous avons accès, en dehors desquelles point de puissance d’agir ;
  • Dans une conception athée, l’individu ne peut rien ni avant sa naissance ni après sa mort, sa puissance d’agir n’existe que durant sa vie. Seuls les vivants ont une puissance d’agir ;
  • Notre corps, vivant et inscrit dans l’espace-temps universel, ainsi que toutes ses contraintes de reproduction matérielle (dormir, boire, manger, se loger, se déplacer, s’éduquer, se reproduire et éduquer nos descendants, etc.) ;
  • Notre temps conscient. Nous dormons un tiers de notre vie. Point de puissance d’agir significative autre que celle de régénérer et reposer nos corps, et de consolider nos apprentissages, durant le sommeil. Il faut cependant noter que le temps de sommeil est nécessaire à la vie et à la puissance d’agir. Manquant de sommeil, nous sommes épuisés, incapables d’agir efficacement. Sans sommeil, nous mourrons rapidement. Il reste à évoquer ceux qui ont perdu conscience d’eux-mêmes et du monde (coma, démence, etc.). La puissance d’agir nécessite la conscience mais un temps nécessaire de sommeil inconscient est nécessaire à la conscience et à la puissance d’agir le jour. En outre, le caractère inconscient du sommeil peut se discuter puisqu’il y a durant la nuit la part de rêve et la part de consolidation des acquis et prospectives de la conscience ;
  • Nos sens, qui limitent strictement la perception que notre conscience peut avoir de l’Univers, l’Autre inclus, et donc notre puissance d’agir, même en tenant compte de nos instruments d’observation ;
  • Notre intelligence individuelle, au sens le plus général de compétences nécessitant l’usage du cerveau comme l’intelligence verbale, la vitesse de traitement, l’intelligence spatiale, l’intelligence émotionnelle, corporelle, artistique, etc. ;
  • Notre force physique individuelle, au sens le plus général, c’est-à-dire notre capacité à exercer notre puissance d’agir dans l’Univers, y compris notre puissance intellectuelle, qui nécessite toujours le support du corps pour s’exercer ;
  • Notre capacité à coopérer et à coordonner nos puissances d’agir individuelles au sein d’un organisme plus large, comme la famille, le quartier, l’entreprise, voire un corps politique comme la commune et l’Etat. Inversement, l’Autre peut représenter une terrible limite à notre puissance d’agir, à cause de sa propre puissance d’agir adverse ;
  • Notre inconscient qui nous détermine beaucoup plus que nous ne voulons bien l’admettre, même si nous pouvons rétroagir sur lui ;
  • Notre culture, au sens le plus large, comprenant les idées qui dominent notre inconscient et notre conscience, et qui détermine les limites imaginaires de la réalité, les interdits, les normes, les modes ;
  • Notre technique, au sens le plus large, qui peut élargir toutes les limites à notre puissance d’agir sans technique (durée de vie, force mécanique, instruments d’observation, capacité de computation, outils de coordination et de communication, etc.) mais aussi, paradoxalement, restreinte fortement notre puissance d’agir ;


On ne peut considérer seules les limites individuelles ou les limites collectives puisqu’elles forment un système écologique interdépendant. Certains collectifs empuissantent les individus tandis certains individus neutralisent la puissance d’agir de collectifs entiers. La puissance d’agir de la multitude émane de la puissance d’agir des individus, qu’elle compose en un tout plus grand que la somme des parties. Inversement, la puissance d’agir de chacun des individus de la multitude est influencée par la puissance d’agir du tout. L’Anthroposphère est à son tour interdépendante de la Biosphère et de l’Univers, dont les puissances d’agir s’entredéterminent et rétroagissent dans des boucles dialogiques.

Le paysage de la puissance d’agir est donc un système écologique parsemé de nœuds et de liens, et de boucles de rétroactions, où l’incertitude règne.

Toute éthique, toute politique, toute stratégie, devra donc reposer sur une contemplation lucide des limites de la puissance d’agir individuelle et collective, au risque sinon d’être hors sol.


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