L’incertitude est, grossièrement, une situation subjective et/ou objective dans laquelle l’individu ne sait pas quelque chose et/ou ne sait pas tout au sujet de quelque chose. En raisonnant à la limite, on voit immédiatement que l’incertitude est fille de l’impermanence. Tout change tout le temps partout, il est donc impossible d’établir la moindre certitude sur rien. Une interprétation stricte du sens de la connaissance scientifique, de son caractère falsifiable, conduit à admettre que si demain tout ce que nous croyions savoir de plus ou moins certain sur le monde venait à être démenti par l’intervention fracassante d’un Dieu quelconque (deus ex machina), qui rebattrait toutes les cartes, modifierait toutes les lois de la physique, déplacerait tous les corps dans l’espace en remplaçant notre soleil et nos planètes voisines par d’autres, alors nous devrions nous incliner et reconnaître que nous ne savions strictement rien, et que notre incertitude était bel et bien totale depuis toujours.

Si l’on s’éloigne de ce raisonnement métaphysique à la limite, il est raisonnable d’admettre que l’incertitude n’est pas totale dans l’Existence. Il y a des choses que nous savons, dans une certaine mesure. Le soleil se lève chaque matin. La constante gravitationnelle reste … constante. Etc. Bien que l’incertitude reste le fond métaphysique de l’Existence, de nombreux philosophes ont montré que nous pouvons prétendre connaître certaines choses, ce qui est l’objet d’étude de l’épistémologie. Il y a différentes formes de certitudes et donc d’incertitudes. Parmi les formes d’incertitudes, il y a celles qui peuvent être décrites par des lois de probabilité. Ainsi, sur la base des statistiques du passé, toutes choses égales par ailleurs, les actuaires du secteur de l’assurance disposent de tables qui décrivent les statistiques d’accident selon plusieurs conditions. Personne ne pourra vous dire si vous aurez un accident demain mais un actuaire pourra vous dire plus ou moins précisément la probabilité que vous ayez demain un accident, selon la catégorie d’accident et les conditions existantes. Le taux d’accident répond bien à une description mathématique par des lois de probabilités « régulières ». L’incertitude est délimitée. On sait ce qui peut se produire avec quelle fréquence sur une période donnée. Mais il y a aussi ce qu’on appelle l’incertitude radicale. Cette forme d’incertitude échappe à la probabilisation. On ignore ce qui peut se produire (on ne peut même pas le nommer) et avec quelle fréquence cela peut se produire. On peut ignorer que l’on peut savoir (si on étudiait le phénomène, on pourrait réduire l’incertitude), on peut savoir que l’on sait (on a bien caractérisé le phénomène au niveau des probabilités), on peut savoir que l’on ne sait pas et qu’on ne pourra jamais savoir (on peut décrire en mots un scénario mais impossible de le décrire par des probabilités) et enfin, on peut ignorer la possibilité même d’un phénomène, sans aucun recours possible (je ne sais pas que je ne sais pas, et je ne peux pas le savoir). Voila plusieurs degrés de radicalité dans l’incertitude.

Pour le dire autrement. Vous pouvez jouer avec deux dés. C’est une situation où l’incertitude se réduit à un risque probabilisable. Vous savez que vous avez deux dés, vous savez combien de fois vous les lancez, vous savez qu’ils ont 6 faces et connaissez la valeur de chaque face, vous savez que ce sont des dés parfaits que vous lancez sur une surface sans défauts. Ceci n’est pas de l’incertitude radicale. On peut augmenter le degré d’incertitude jusqu’à ce qu’il devienne plus radical : vous ne savez pas combien vous avez de dés, combien de fois vous les lancez, combien de faces ils ont, quelle valeur est inscrite sur chaque face, ni les défauts des dés et de la surface de jeu. Allons plus loin : l’incertitude la plus radicale survient quand vous ne savez même pas que vous êtes en train de jouer avec des « dés ».

Sans entrer dans des concepts et des notations mathématiques, on peut donc comprendre intuitivement ce que peut signifier l’incertitude radicale.

Sur ce blog, je considère que nous sommes entrés dans la temporalité de l’Urgence, faite d’incertitude radicale et d’enjeu existentiel. C’est comme si vous ne saviez pas que vous êtes en train de jouer avec des « dés » (dont vous ne connaissez pas les caractéristiques au surplus) et que le résultat du jeu peut mener à votre mort. En « jouant » avec des « dés » inconnus, l’Humanité ignore dans une grande mesure à quel point elle se menace elle-même d’autodestruction.