Méditation n°42 : pourquoi ces doutes incessants quand tu écris, quand tu t’engages ?


Publié le

Mis à jour le

, ,




« Pour cuire des biscuits, il faut fermer la porte du four. »

Laurent Lievens



Tu as du temps libre.

Tu es assis devant ton ordinateur, en train d’écrire de nouveaux billets pour ton blog.

Tu as mille idées à la minute. Tu écris facilement. Ton cerveau est en ébullition.

Ton désir de produire est immense.

Tu es, ici et maintenant, censé faire ce qui est le plus important pour toi, donner corps à ton Engagement, lutter pour la Cause, minimiser le Mal suprême, contribuer à faire advenir la Métamorphose et empêcher l’Écocide.

Tu es, ici et maintenant, censé devenir cet écrivain, cet intellectuel, ce citoyen engagé que tu rêves d’incarner.

Tu es, ici et maintenant, censé exister au plus haut point, contempler l’existence, créer, aimer, t’engager, avec panache !

Et pourtant, pourtant… quelque chose te perturbe. Tu ressens une gêne, un doute. Tu n’es pas pleinement à ce que tu fais.

Tu rumines mille questions :

  • Est-ce que je fais bien d’écrire maintenant ?
  • Est-ce que je fais bien d’écrire en général ?
  • Est-ce que le moment est bien choisi ? Suis-je dans un lieu adéquat ?
  • Suis-je en état d’écrire ? Ne suis-je pas trop fatigué ?
  • Ne devrais-je pas plutôt faire autre chose ? N’y a-t-il rien de plus urgent et plus important ?
    • Ne devrais-je pas plutôt faire comme l’immense majorité des gens durant leur temps libre, profiter ? Pourquoi faire autant d’efforts ? Pourquoi me sacrifier ? Pourquoi ne pas me laisser tenter par l’abandon ? Pourquoi ne pas simplement jouir de la vie, sans chercher à lutter ?
    • Ne devrais-je pas plutôt me reposer, me détendre, faire une sieste ou regarder la télévision ?
    • Ne devrais-je pas plutôt profiter du grand soleil et du ciel bleu, me balader dans la forêt, faire du vélo, aller nager ?
    • Ne devrais-je pas m’occuper du ménage, ranger la maison, faire la vaisselle, régler certaines tâches administratives ?
    • Ne serait-ce pas plus amusant de téléphoner à un ami, d’organiser une sortie, d’aller au restaurant, au cinéma, de planifier un concert ?
  • Ne devrais-je pas plutôt écrire pour le plaisir ? Écrire des œuvres plaisantes, drôles, passionnantes, sans vocation engagée, comme de la poésie, un roman de science-fiction, une pièce de théâtre ?
  • Si j’écris pour m’engager, ne devrais-je pas plutôt écrire des textes plus amusants, comme des billets d’humeur, des chansons ou des romans satiriques ?
  • Et si je décide malgré tout d’écrire un texte engagé et sérieux, comment dois-je écrire ?
    • Quelle est mon intention ? Quel est mon objectif ?
    • À qui est-ce que je m’adresse ?
    • Quel message veux-je transmettre ? Quelles idées majeures veux-je communiquer ?
    • Quel thème choisir ? Parmi tous les sujets engagés et sérieux que je désire traiter, par lequel commencer ? Et pourquoi celui-ci et pas un autre ?
    • Comment le traiter ? Quel angle choisir ?
    • À quel point dois-je approfondir mon sujet avant de le traiter ? Que dois-je savoir, que dois-je lire ?
    • Pour quel format, quel niveau de langage et quelle longueur de texte dois-je opter ?
    • Etc.


Le plus souvent, tu parviens malgré tout à écrire et à te concentrer sur ton texte. Comme repoussent immédiatement les têtes coupées de l’hydre, mille autres questions te submergent alors :

  • Est-ce que ça valait la peine d’écrire cela ?
    • Est-ce que je n’ai pas gaspillé en vain du temps de mon existence ?
    • Est-ce qu’il n’aurait pas mieux valu vivre davantage, me lever, bouger, sortir de mon bureau, sortir de chez moi, rencontrer des gens, faire quelque chose de concret avec mes mains, agir plutôt que penser ?
    • Est-ce que tout n’a pas déjà été écrit ? N’y a-t-il personne qui l’écrive mieux que moi ?
  • Est-ce que ce texte vaut la peine d’être publié ? Qui aura envie de lire cela ? N’est-ce pas pénible à lire ?
  • Va-t-on me lire ? Vais-je avoir du succès ? Vais-je avoir de l’influence ?
    Va-t-on se souvenir de moi et de ce que j’ai écris ?
  • Qui lit encore ? Qui fait encore l’effort de lire autrement que pour le loisir ?
  • Qui s’intéresse vraiment à l’Écocide ? L’Humanité n’a-t-elle pas déjà choisi, dans son immense majorité, la médiocrité, l’inertie et in fine le suicide collectif, plutôt que l’Engagement ?
  • Tout cela, tout cet engagement, n’est-il pas totalement vain ?
  • Et l’Existence toute entière n’est-elle pas totalement vaine ?
  • Pourquoi faire l’effort d’écrire et de publier ?
  • Pourquoi faire l’effort de s’engager ?
  • Ne suis-je pas complètement idiot, complètement naïf, complètement fou ?
  • Etc.


Et pourtant, tu as déjà exploré cette question de savoir à quoi sert que tu écrives. Et tu as affermi tes motivations par cette réflexion. Tu as également contemplé les conditions nécessaires, suffisantes et idéales pour écrire, l’attitude à suivre lorsque tu ne parviens pas à écrire alors que tu en as la possibilité (renoncer à écrire), l’attitude à suivre lorsque tu as la possibilité et la souhait d’écrire (écrire !), la manière de ne pas être bloqué par ce que les autres vont penser de toi lorsque tu publies et que tu t’engages.

Mais tes doutes reviennent malgré tout à la charge.

Ceux que tu as déjà examinés, tu en connais le traitement. Relis tes réflexions jusqu’à les laisser se dissiper, comme un nuage de vapeur se dissipe dans le ciel.

Quels sont ceux qui résistent encore ? Comment peux-tu les laisser se dissiper à leur tour ? Comment leur tordre le coup une bonne fois ?

En répétant le mantra suivant :

  • Tu fais bien de t’engager.
  • Tu fais bien d’écrire.
  • Si tu es dans les conditions nécessaires, suffisantes et que tu en as le souhait, tu fais bien d’écrire.
  • Si tu es fatigué, malade ou sans aucune motivation, n’écris pas.
  • Si tu veilles à vivre suffisamment en dehors de l’Engagement, en existant, en contemplant l’existence, en créant et en aimant, alors tu peux aussi consacrer du temps à t’engager, dans la joie et la sérénité. Pour le reste :
    • Repose-toi, détends-toi, amuse-toi, jouis de la vie !
    • Profite de ton corps, de la nature, des autres en faisant du sport, en ayant des relations sociales épanouissantes, en t’immergeant dans le vivant !
    • Fais ta part dans les charges du ménage !
    • Organise des activités sans autre but que de jouir de l’existence, seul ou avec autrui !
  • Écris aussi, en dehors de l’Engagement, pour la seule joie d’écrire ! Écris des poèmes, des nouvelles, des romans de science fiction, des histoires pour enfants !
  • Engage-toi aussi au travers de textes plus légers, plus réjouissants, plus jubilatoires !
  • Pour tes textes engagés et sérieux, fixe-toi des balises pour préserver ta joie de t’engager !
  • Affermis ta conviction qu’écrire est un excellent moyen pour toi de t’engager !
  • Affermis ta conviction qu’écrire pour la Métamorphose et contre l’Écocide est un sujet d’une légitimité incontestable !
  • Publie tous tes textes par défaut, sauf si la publication peut nuire à toi, tes proches ou ta Cause !
  • Ne te soucie pas de qui lit ou qui écrit, de savoir si tes écrits ont un impact suffisant, si tu auras la reconnaissance que tu espères, si l’Humanité parviendra à se métamorphoser, et si tout ça aura été vain ou pas !
  • Garde la foi en l’Existence, en la Vie, en l’Humanité, en la possibilité de construire du sens, peu importe le Mal !
  • Contemple le Mystère et ris à pleines dents de cette farce !
  • Etc.


Enfin, sois indulgent envers toi-même en songeant que :

  • Tu es un être vivant, préoccupé par sa survie, orienté par ses pulsions et ses passions.
  • Tu es un être humain, imparfait et relativement impuissant.
  • Tu es une personne qui veut réussir sa vie, qui veut jouir de l’existence, qui veut recevoir de la reconnaissance, être aimée.
  • Ton cerveau, comme celui de tous les Humains, est un organe biologique limité, sujet à la maladie et à la fatigue, inconstant, capricieux, arborescent, chaotique.
  • Tu es un intellectuel donc ta nature profonde te pousse à la réflexivité sans fin. Le doute est une arme à double tranchant, n’utilise que la face avant de ton épée !
  • Le sujet dont tu traites, l’Écocide, est peut-être le plus complexe d’un point de vue intellectuel et scientifique, le plus grave d’un point de vue éthique, le plus urgent d’un point de vue politique. Tu t’attaques à l’Everest !
  • S’engager est un défi, qui demande énormément d’énergie, de stratégie et de foi. Songe au repos du guerrier.
  • Écrire est un art difficile, qui demande beaucoup d’effort. À chaque jour sa peine.
  • Tu ne maîtrises rien ou presque, la plupart des choses échappent à ton influence et tu ne pourras jamais les changer.
  • Tu ne dois pas porter le poids du monde sur tes épaules. Chacun porte une part de responsabilité en proportion de sa puissance d’agir.
  • Tu as le droit d’exister et d’être heureux aujourd’hui, malgré le Mal, qui ne disparaître jamais complètement.
  • Etc.



Écris d’abord ce que tu veux, parce que tu le veux, pour toi.

Écris d’abord pour te faire du bien.

Écris d’abord parce que c’est ta joie d’exister.

Écris avec sincérité, sans artifices, parce que tu es libre.

Partage tes écris à qui voudra les lire, parce que nous sommes libres.

Aie confiance en toi. Félicite-toi. Récompense-toi.
Célèbre tes réalisations ! Cultive la gratitude envers la vie !

Laisse le temps faire son œuvre.
Et abandonne tout le reste avec grâce.




Maze Labyrinth Glendurgan – Free photo on Pixabay – Pixabay


Une réponse à “Méditation n°42 : pourquoi ces doutes incessants quand tu écris, quand tu t’engages ?”

  1. Avatar de Etienne de Callatay
    Etienne de Callatay

    Merci Cédric pour ce très beau partage, qui est aussi un très beau miroir !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *