Méditation n°34 : que faire lorsque tu ne parviens pas à écrire alors que tu en as la possibilité ?


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En raison de l’existence du Mal et de notre puissance d’agir qui permet de le minimiser, tu affirmes que nous sommes sommés de le faire. Tu considères que s’engager dans la lutte pour minimiser le Mal est donc un impératif catégorique, absolu, pour tout individu et groupe qui le peut.

Parmi tous les maux, tu identifies l’Écocide comme le plus grand Mal, le Mal absolu car il menace l’existence de la Vie et de l’Humanité sur Terre. C’est cette situation éthique que tu nommes l’Urgence. S’engager pour lutter contre ce Mal absolu est donc la Cause suprême, pour qui le peut.

Tu considères que la méta-cause fondamentale de l’Écocide est la Démesure. L’Illimitisme, c’est-à-dire l’idéologie de la transgression de toutes les limites, et l’Entropocène, c’est-à-dire la disponibilité d’une énergie virtuellement illimitée pour réaliser cette transgression de toutes les limites, nous propulsent dans l’Anthropocène qui se traduit par l’Écocide, dont la poursuite mène tendanciellement à l’Omnicide. Tu attribues la Démesure à l’absence d’une métaphysique adéquate de la Limite et de la Transgression. La réponse à cette absence est donc d’instituer cette métaphysique de la Limite et de la Transgression afin de mettre en œuvre la Métamorphose.

Penser cette métaphysique nouvelle, penser la Démesure, l’Illimitisme, l’Entropocène, l’Anthropocène, la Limite, la Transgression, l’Écocide, l’Omnicide et la Métamorphose, est donc selon toi une nécessité absolue. Et la philosophie, via l’écriture, est à ton avis la manière la plus éprouvée d’élaborer une nouvelle pensée.

Ainsi, en résumé à ce stade, tu es convaincu que l’Humanité a la possibilité, la liberté, la nécessité et le devoir d’instituer cette nouvelle métaphysique de la Limite et de la Transgression, par un effort de pensée collectif passant notamment par l’écriture philosophique, afin de se métamorphoser. Malheureusement, elle n’en a pas encore majoritairement le souhait.

C’est dans ce combat existentiel pour toute l’Humanité que tu souhaites t’inscrire. Tu t’engages pour convaincre la majorité de souhaiter l’institution d’une métaphysique de la Limite et de la Transgression, en vue de la cessation de l’Écocide et de l’initiation de la Métamorphose.

Tu as choisi de consacrer ton engagement à cette Cause et ton mode d’engagement privilégié, c’est d’écrire.

A cet instant, tu as un peu de temps devant toi, du papier et un stylo ou un clavier et un écran, c’est-à-dire la possibilité matérielle d’écrire. Si tu as la possibilité matérielle d’écrire, c’est que tu as la liberté d’écrire. En raison de l’Urgence, tu ressens donc en ta personne la nécessité et le devoir d’écrire sur cette nouvelle métaphysique de la Limite et de la Transgression, pour lutter contre l’Écocide et pour la Métamorphose. Enfin, tu as le souhait d’écrire car tu aimes écrire pour écrire et tu aimes qu’il s’agisse de ton mode d’engagement privilégié.

Ainsi donc, écrire est pour toi en tant qu’être humain 1) une possibilité, 2) une liberté, 3) une nécessité, 4) un devoir et 5) un souhait, qui s’inscrivent dans une possibilité, une liberté, une nécessité et un devoir pour l’Humanité toute entière.

Écrire exprime ta joie d’exister de toutes les manières !

Mais cette responsabilité face à l’Urgence est manifestement démesurée pour n’importe quel être humain, même le plus puissant. Que dire, toi qui te sens si petit ?

Quelle que soit ta puissance d’agir, tu n’es qu’un être humain qui ne peut transgresser ses propres limites sans en payer le prix.

Malgré l’alignement parfait de la possibilité, de la liberté, de la nécessité, du devoir et du souhait, tu ne parviens pas toujours à écrire effectivement. Tu dois constater parfois ton impuissance d’agir.

Pourquoi ? Parce que tu es parfois malade, fatigué ou démotivé. Écrire t’est difficile, laborieux, pénible et, inexorablement, t’épuise à cet instant. Le prix à payer est alors énorme pour un résultat minime.

Au lieu de la joie qui augmente ta puissance d’agir, c’est la tristesse qui l’affaiblit.

Tu te souviens de tes règles d’engagement, dont la première est : « Survis ! ».

Tu te souviens que l’urgence de vivre ne doit pas conduire à sa contradiction : la course contre la montre, l’inconscience, l’épuisement et la mort prématurée.

Tu te souviens qu’il y a des limites à la puissance d’agir, une puissance d’agir maximale et des limites à l’Engagement. Il y a des limites à ton engagement en particulier.

L’Engagement est adéquat lorsqu’il s’inscrit dans une éthique et une stratégie. Survivre est la première nécessité pour un individu qui s’engage. C’est un impératif éthique et stratégique. Ce qui implique de respecter ses limites, mentales et corporelles, et de reconnaître les situations dans lesquelles on est incapable de s’engager avec efficacité et efficience.

Malgré tes efforts, à cet instant, tu ne parviens pas à écrire alors que tu en as la possibilité.

Alors sois lucide : reconnais-le. Renonce à écrire temporairement. Repose-toi, détends-toi, amuse-toi, fais autre chose. Dépose ta plume. Joue avec tes enfants, discute avec un ami, promène-toi en forêt, écoute de la musique, regarde un bon film, mange un fruit, médite, ris un bon coup. Tu reviendras plus tard sur le front.

Et pendant ce temps, d’autres que toi prendront le flambeau de la lutte.

Car tu ne peux porter sur tes seules épaules tout le poids du monde.

Car tu n’es en rien indispensable.

Car tu as aussi le droit d’exister par ailleurs.


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2 réponses à “Méditation n°34 : que faire lorsque tu ne parviens pas à écrire alors que tu en as la possibilité ?”

  1. Avatar de Benjamin

    Hé. Je te rejoins sur chaque énoncé, et te réponds d’un même tutoiement propre. Tu en es au stade que l’engagement ne peut s’en tenir à une écriture, car au final comme au départ, et surtout tout au long, les idées et la communication ne sont que le moyen pour changer notre rapport au monde, aux autres, à soi-même. Ce qui fonde notre rapport au réel est déjà, d’abord et ensuite l’action réelle de notre corps, au contact non plus du symbole mais des chairs, des substances, des mouvements, des êtres impliqués, de la terre, des saisons, des rugosités, des insuffisances, des présences, etc.
    Tu parles de se protéger soi-même et ses proches: étends au vivant, génère des piles écologiques au quotidien dans tes espaces habités ou traversés, protège des structures écosystémiques proches, prends soin de l’existant, tant par les mains que l’intellect. Apprends puis étends ce territoire d’action jusqu’à connexion des oasis.
    a+

    1. Avatar de Cédric Chevalier

      Magnifique ! Merci. Cela constitue une pièce essentielle à mon puzzle actuel. On peut changer notre rapport « idéel » au monde, aux autres, à soi-même via la manipulation des symboles, des idées, du langage, via l’écriture. Mais pour modifier notre rapport « matériel », il faut interagir avec la matière, avec les corps, avec le vivant, avec notre milieu. Et la modification de notre rapport « idéel » au monde nous permet d’entretenir des rapports « matériels » au monde complètement différent. Encore faut-il déployer également ce rapport « matériel » au monde. Ne pas être qu’un cerveau sur pattes. Je retiens cette idée précieuse ! Merci !

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