Tout va bien. Alors qu’est-ce qui ne va pas ?


Une naissance chanceuse, un passé généreux, une vie comblée, un avenir prometteur, tu as tout pour être heureux.

Pourtant, tu dois bien l’avouer, tu es tour à tour rongé par une sourde angoisse, effondré par un douloureux désespoir et agité par une intense révolte, qui minent ton expérience du présent. Résonne en toi une terrible dissonance. Impossible de réconcilier ce que tu sais, ce que tu crois et ce que tu fais. Impossible de réconcilier les faits, tes valeurs et ton action. Impossible de te réconcilier avec le monde et avec l’Autre. De cette dissonance nait un conflit intérieur entre deux désirs antagonistes : te replier pour méditer dans ta citadelle intérieure, abandonner le monde à son sort, ou bien revêtir ton armure, effectuer une sortie, et aller au combat, te plonger dans le monde pour tenter de le sauver.

Ta vie est belle mais tu ne trouves pas la sérénité. Tout semble remis en question, ce qui indique que tu traverses une crise existentielle.

Il te faut d’abord faire usage du doute méthodique et de la réflexivité critique pour remettre en question la question même.

Est-ce que tout va bien ? Ou est-ce que tout va mal ? Est-ce nouveau pour toi ou un invariant de ton caractère ? Est-ce la banale crise de la quarantaine ou une crise faisant suite au confinement pandémique ? Est-ce une émergence inévitable de la méditation pour l’apprenti philosophe, valable à toutes les époques ? Est-ce l’impossibilité pour tout être humain de demeurer tranquille et de jouir du présent ? Est-ce un automatisme du cerveau sauvage qui reste en alerte, inquiet des prédateurs. Ou encore est-ce le reflet de l’impasse d’une époque mourante ? Est-ce ta crise, ou bien celle du monde ?

Écartant toutes les hypothèses douteuses, toutes les causes inexistantes, tu espères cerner mieux ton malaise. Avant même de commencer, tu en es de plus en plus convaincu, tu pressens que ton malaise existentiel est celui de toute ton époque, et peut-être bien le malaise existentiel le plus important de toute l’histoire de l’Humanité, voire de la Vie dans l’Univers, puisqu’il menace l’expérience présente et future de la Conscience.

Allons droit au but. Est-ce l’Écocide qui t’empêche d’être heureux ? Ou bien l’Écocide n’est-il qu’une excuse pour un mal plus profond et plus banal ? Et s’il s’agit bien de l’Écocide, ne pas être heureux changera-t-il quoi que ce soit ? Ou bien cette souffrance est-elle en fait l’instinct de survie et la pulsion de vie qui anime le Vivant dont tu fais partie ?

Le terme à la mode d’éco-anxiété, qui semble recouvrir les symptômes de ton mal, est-il vraiment un mot adéquat pour décrire l’énormité existentielle de ce sentiment -la stupéfaction, l’angoisse, le désespoir, l’horreur, la rage, la révolte, d’ampleur historique ? La solastalgie, est-ce un meilleur mot ? Tu doutes franchement de ces euphémismes… Ils sont trop petits, trop étroits, trop partiels pour décrire le caractère total de cette émotion.

Tout va bien dans ta petite vie, oui


Comment répondre à ces questions ? Il faut bien commencer quelque part.

Tu te proposes de relire ta propre petite histoire, inintéressante et banale, et de la relier à la grande histoire, pour tenter de mieux comprendre l’intersection entre toi et ton époque, et mieux cerner ce qui ressort de ta singularité, et ce qui ressort de la singularité de l’époque. Comme le poète Terence, tu penses que « Rien de ce qui est humain ne m’est étranger ». Comme le philosophe Montaigne, tu penses que se peindre sans artifices peut éclairer la condition humaine universelle. Et qui sait, peut-être que d’autres personnes lisant ces lignes, à l’histoire personnelle moins inintéressante et banale que la tienne, pourront-elle affiner la mesure de la part individuelle ou collective de la souffrance face à l’Écocide ?

Alors jetons les premiers coups de pinceau sur cette toile.

Tu es né, homme blanc au nom francophone, dans un pays riche, la Belgique, au sein d’un ménage aisé, composé de parents aimants, éduqués, travailleurs et éclairés, aîné d’une famille nombreuse d’une sœur et trois frères. Tu as reçu de tes ancêtres et parents un excellent bagage génétique -tes sens sont aiguisés, tu es endurant et épargné par les souffrances chroniques et autres allergies. Tu as été choyé, gâté et élevé aussi par tes quatre grands-parents que tu as connus tous vivants et en bonne santé jusqu’à tes 16 ans. Tu as connu une famille élargie composée d’oncles, de tantes, de cousins et cousines. Tu as accompagné tes parents chez leurs nombreux amis, durant les weekends et les vacances. Tu as vécu dans des villas des beaux quartiers bourgeois en disposant de ta propre chambre dès 8 ans. On t’as éveillé au sport, à la lecture, à la musique, au dessin, à la sculpture, au voyage, à la culture, à la science, à la technologie, à l’histoire, à la religion, à la philosophie, à la participation à la vie de la communauté. Ta maison croulait sous les livres. Tu as eu une enfance largement heureuse malgré quelques tristesses.

Bien que né à Charleroi, une ville en déclin, gangrenée par le chômage et la pauvreté, un des berceaux historiques de la révolution industrielle, tu n’as connu que la paix et la sécurité durant toute ton existence, un pays calme et organisé, sans jamais être menacé directement dans ta sécurité, sans subir aucun préjudice grave à cause de la société. Comme tes parents, tu n’as connu ni guerre ni troubles sociaux d’importance, que subirent par contre tes grands-parents et arrières-grands parents.

Tu es marié à une épouse merveilleuse avec qui tu as fait deux enfants vigoureux, généreux et pétillants. L’amour et la joie de vivre règnent dans ta demeure.

Tu as de nombreux amis fidèles que tu vois régulièrement. Tu as vécu l’aventure avec eux. Tu as dansé avec eux. Tu as partagé leurs peines et leurs joies.

Tu disposes d’une solide formation académique, d’un excellent curriculum professionnel te conférant une dense expérience et une profonde expertise. Tu as reçu toutes les fondations génétiques, familiales, scolaires, académiques et culturelles te permettant de déployer une intelligence, une réflexivité critique et une vaste culture générale. Tes maîtres ont également éveillé ton sens artistique ce qui te permet de pratiquer la musique avec joie.

Tu as participé à l’exercice du pouvoir au plus haut niveau gouvernemental, régional, fédéral et européen, en tant que conseiller du Prince. On t’a confié de lourdes responsabilités que tu as supportées avec succès. Tu as été fonctionnaire au sein d’une administration de l’Environnement. Tu as été administrateur, négociateur, conseiller, coordinateur, planificateur, stratège, gestionnaire de projet.

Tu as voyagé et vu le monde, la Belgique du Nord au Sud, la France, le Luxembourg, l’Allemagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suisse, l’Autriche, l’Espagne, l’Italie, la Pologne, la Lituanie, la Hongrie, la Slovaquie, la Slovénie, la Croatie, la Bulgarie, la Grèce, la Turquie, le Canada, l’Indonésie.

Tu gagnes bien ta vie. Tu possèdes une maison confortable, rénovée, isolée, bien éclairée et bien chauffée, avec quelques économies. Tu ne manques matériellement de rien.

Initié à la religion catholique, tu as reçu un solide bagage culturel et éthique qui te met en capacité d’être responsable et engagé.

Tu es engagé comme activiste. Tu connais une bonne partie du mouvement écologiste et environnementaliste belge, au sein duquel tu comptes des amis sincères. Tu as participé au mouvement climat des années 2018-2019, tu as marché avec Greta Thunberg à Bruxelles. Tu as envahi un soir la zone neutre du Parlement fédéral. Tu étais aux premières loges, en contact direct avec tous les protagonistes du vote de la loi spéciale climat, Jean-Marc Nollet, Delphine Misonne, Nicolas Van Nuffel, Adélaïde Charlier, Jean-Pascal van Ypersele, etc.

Tu connais personnellement des chercheurs, activistes et écrivains comme Pablo Servigne, Raphaël Stevens, Gauthier Chapelle, Laurent Lievens, Olivier De Schutter, etc.

Tu as écrit des milliers de courriels, des centaines de billets, des dizaines de cartes blanches et d’articles dans différents journaux et revues, deux livres et une contribution importante à un troisième. Des auteurs t’ont sollicité pour relire leurs ouvrages avant leur publication. Tu as déposé une pétition de 40.000 signatures à la Chambre des représentants de la Belgique, pour déclarer l’Urgence écologique.

Tu es encore jeune, en bonne santé, en pleine possession de ton esprit, de ton cœur, de ton corps.

Le plus grand drame de ta vie est la mort prématurée de ta mère, lorsque tu avais 27 ans. Tu as bien sûr vécu le deuil de tes quatre grands-parents mais en sachant que c’était dans l’ordre des choses. Tu as parfois souffert de certaines tensions familiales. Toutes les familles heureuses se ressemblent, mais chaque famille malheureuse l’est à sa façon a fameusement écrit Léon Tolstoy. Ta famille à toi était clairement dans la catégorie des familles heureuses. Comme tout un chacun, tu as connu quelques souffrances mineures, surtout durant ton adolescence. Une rupture amoureuse à 25 ans. Voilà qui justifie bien peu de se lamenter.

Tu es né à la politique et à la tragédie de l’histoire le 4 novembre 1995, lorsque le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin fut assassiné par un terroriste ultra-nationaliste israélien lors d’une manifestation en faveur du processus de paix israélo-palestinien, à Tel Aviv. Tu avais 11 ans et tu en a fais une élocution, ton premier texte engagé.

« On a retrouvé dans la poche de Rabin une feuille de papier, tachée de sang, où étaient écrites les paroles de la célèbre chanson israélienne Shir LaShalom (Chanson pour la paix), qui fut chantée à la manifestation et évoque notamment l’impossibilité de ressusciter les morts et donc la nécessité de la paix. »

Wikipedia


Un autre moment fondateur de ton existence s’inscrit directement dans la foulée du choc que tu as ressenti en apprenant cet assassinat d’un artisan de la paix. Lors de classes de neige, au contact difficile d’enfants placés en institution pour troubles psychologiques, tu vis une dépression existentielle vers l’âge de 12-13 ans.

L’assassinat de Rabin, ce contact avec des enfants troublés, l’éveil de ta conscience politique et historique te font comprendre d’un coup l’existence du Mal dans le monde, toi qui avais vécu jusque là dans un cocon familial protégé du dehors. Toute ton monde s’effondre. Tu étais alors victime de quelques idées noires mais, bien soutenu par ta famille, tu t’es juré que tu t’en sortirais. Et tu t’en es sorti, plus fort, plus serein, plus joyeux.

Après quelques secondes sessions d’examen à l’université, dues à un certain ennui et une certaine paresse, tu te disciplines et termines diplômé de l’université en ingéniorat de gestion avec une grande distinction, en ayant réalisé un échange Erasmus en Angleterre. Dans la foulée, tu te lances dans la recherche en gestion et économie de l’éducation. Tu entames et réussis, non sans difficultés, un master recherche en sciences économiques afin de bifurquer pour obtenir un doctorat en sciences économiques.

Puis, confronté à l’impasse délétère des sciences économiques mainstream, à la médiocrité des professeurs d’économie, au blocage de ta tentative de changer de promoteur de thèse, et à l’impossibilité pour toi d’étudier avec conviction ce que tu considères comme un aveuglement théorique abscons, tu échoues à obtenir la moyenne de 14/20 nécessaire pour poursuivre le doctorat en économie. A la croisée des chemins, tu es sauvé par le Vice-recteur de l’université, un sociologue, qui te met en contact avec un certain Jean-Marc Nollet, Vice-Président et ministre du Gouvernement wallon. C’était en 2009. Tu démissionnes de la recherche, tu abandonnes ta thèse et l’université, pour rejoindre un cabinet ministériel régional.

Après l’assassinat de Rabin, tu as voulu comprendre le monde et le pourquoi du Mal. Tu as voulu être dessinateur de bandes dessinées, journaliste, puis comprendre l’économie, où tu situais la cause de beaucoup des plus grands maux du monde. Tu as voulu devenir professeur d’économie à l’université pour détruire la science économique mainstream de l’intérieur. Tu as voulu participer à l’émergence d’une science économique sérieuse, tenant en compte les réalités biophysiques, écologiques et sociales, la complexité, la modélisation informatique et les simulations numériques, et l’éthique. Puis tu as songé à te lancer toi-même en politique, en faisant le constat à ce stade que ce n’est pas pour toi. Tu es resté un conseiller de l’ombre.

Mais non, le monde ne va pas bien du tout


Tout au long de ta formation et de ta carrière, tu as sincèrement voulu contribuer à sauver le monde mais tu n’y es pas parvenu. Et aujourd’hui le monde se meurt.

Ton problème n’est donc pas toi, ton histoire, ta vie, ta carrière, tes proches. Ton problème, c’est le Mal dans le monde et ce que tu vas en faire dans ton existence.

Il y a d’abord le Mal naturel. Mais ni les accidents, ni la maladie, ni la vieillesse, ni ta propre mort ne te rendent existentiellement malheureux même si tu les redoutes et que tu t’en attristes comme tout être humain. Le Mal naturel ne te désespère pas. Tu admets que l’on peut souffrir voire périr à cause d’un phénomène naturel comme un tremblement de terre, un cancer, une mauvaise chute. Le Mal naturel fait partie de la Condition humaine classique, depuis toujours, depuis que l’espèce humaine existe. Ce n’est pas ce Mal qui te préoccupe.

Non, le Mal qui ronge ta conscience, c’est le Mal causé par l’Humain et infligé à l’Humain, au Vivant, à la Biosphère, à la Conscience. Dans le sens où l’Humain fait partie intégrante de la Nature, ce Mal est également naturel. Mais dans le sens où l’Humain s’extrait indéniablement de la Nature, ce Mal est proprement humain.

Sans ce Mal humain, tu n’aurais à lutter contre rien, puisqu’on ne peut pas lutter, au-delà de certaines précautions (prévention, sécurité, soin, etc.), contre les forces cosmiques, contre les forces de la Nature. Sans ce Mal humain, tu pourrais simplement jouir de l’Existence, de ton existence. Mener la vie bonne avec et pour autrui, dans des institutions justes. Exister, Contempler l’Existence, Créer et Aimer.

Mais à cause du Mal humain, qui te semble non nécessaire, non déterministe, non fatal, confronté à la vérité que ce Mal humain peut et donc doit être minimisé, ta conscience est rongée par le devoir de t’engager, pour lutter contre ce Mal. Tu ne trouves pas le repos de l’âme à cause de ce Mal humain, il sollicite ton âme, il te convoque à la révolte, à la résistance, à la lutte, à l’Engagement. Tu es tout entier appelé à t’engager.

Avec le Mal naturel, une partie de ce Mal humain fait également partie de la Condition humaine depuis toujours : la guerre, le génocide, le meurtre, la torture, le viol, le vol, la discrimination, le mépris, la médisance, toutes les agressions et violences commises entre humains, existaient déjà à l’aube de l’espèce, même si pas à l’échelle bureaucratique et industrielle du XXe siècle, ni à l’échelle digitale et artificielle du XXIe.

Mais une rupture du continuum existentiel apparaît. Un nouveau Mal est apparu, inédit, depuis l’explosion de la première bombe atomique. Il s’agit de l’Écocide, la destruction de l’habitabilité de la planète Terre pour la Vie, à cause de l’espèce humaine. Désormais, l’Humanité peut se suicider elle-même, et emporter une bonne partie du vivant avec elle.

Bien sûr, la Vie, même sans l’espèce humaine, a toujours été susceptible d’être une aventure s’arrêtant prématurément, à cause d’un événement cosmique de taille suffisante comme la chute d’un astéroïde géocroiseur ou l’explosion d’une supernova par exemple. Mais il se serait agit là d’un Mal totalement naturel. On pourrait même affirmer que sans conscience intelligente et sensible, aucun Mal n’existerait dans l’Univers. Le Mal n’existe que parce qu’il existe une conscience intelligente et sensible, qui seule permet l’émergence de l’éthique. La Nature sans l’être humain n’est pas concernée par le concept de Mal. Le Mal naturel également, même si engendré par la Nature, n’existe comme tel que parce qu’il est infligé à une conscience intelligente et sensible, l’Humanité.

Le Mal naturel existe et existera toujours. Le Mal humain également, vraisemblablement. On peut tâcher de minimiser les impacts du Mal naturel, sans pouvoir en annuler toutes les causes. On peut tâcher de minimiser et les causes et les impacts du Mal humain.

Sans le Mal humain, qui appelle nécessairement un devoir éthique de se révolter, de lutter, de résister, de s’engager, tu pourrais, si tu le désirais, vivre comme Corto Maltese, n’avoir aucun devoir de t’engager. Tu pourrais, si tu le désirais, mener une existence tranquille, sereine, paisible, heureuse. Mourir dans ton lit à 95 ans en ne devant t’occuper d’aucun malheur du monde. Mais il s’agit d’un fantasme irréaliste puisque le Mal humain existera toujours et convoquera donc toujours les individus à l’Engagement.

Sans l’Écocide qui menace toute l’Existence, et en décidant de ne plus lutter contre le Mal humain, tu pourrais, si tu le désirais, mener une existence tranquille, sereine, paisible, heureuse. Mourir dans ton lit à 95 ans en ne devant pas t’occuper de sauver l’Humanité, la Vie, la Conscience. Mais c’est devenu également, par la force des choses, un fantasme irréaliste. L’Écocide est une réalité indubitable, en aggravation constante. Vu sa nature de Mal absolu, il te convoque encore plus que la lutte éternelle contre le Mal humain.

L’Écocide rend désormais encore plus strictement impossible cette trajectoire de vie sans heurt. Même si tu le décidais, ton existence est déjà perturbée par l’Écocide. Même si tu vis dans l’endroit le plus privilégié sur Terre, en ayant bénéficié des meilleurs circonstances de la naissance et de la vie jusqu’à présent, tu subis déjà, et va subir de plus en plus, les conséquences tragiques de l’Écocide. L’Écocide est devenu la trame de l’Existence humaine pour toute l’Humanité et toutes les générations futures, pour des siècles voire des millénaires. Il va falloir, pour l’individu et l’Humanité y survivre et vivre avec, tout en luttant contre son aggravation.

Tu souffres du mal dont le monde souffre. Cette souffrance est politique.


Toute notion de carrière et de vie paisible -même modulée par la nécessité éternelle de la lutte contre le Mal humain classique- est désormais caduque. Nous sommes entrés définitivement dans l’Anthropocène, dans la temporalité de l’Urgence. Chacun, toutes et tous, sommes et serons convoqués par cette Urgence. Nous aurons bien sûr le choix de relever le défi ou de seulement en être les victimes passives. Mais tous, nous subirons les événements dans leur majeure partie.

Même la notion éternelle de lutte contre le Mal humain non écocidaire doit être actualisée. Car si l’Humanité cesse d’exister, le Mal humain cesse d’exister. La lutte contre l’Écocide doit être remportée, autant que se peut, pour permettre à l’aventure humaine de se poursuivre, et à la lutte contre le Mal humain de se poursuivre également. L’Écocide est le Mal absolu, qui surpasse en gravité tous les autres.

En relisant ta propre histoire, malgré son caractère inintéressant et quelconque, et malgré son cours privilégié et normalement heureux, et en la reliant à l’histoire du monde, tu distingues mieux ta singularité et celle de ton époque, tu distingues mieux où sont les causes de tes souffrances et leur reliance aux souffrances du monde.

Il apparaît alors une conclusion manifeste, bien que provisoire. Apparaît alors la tragédie de notre époque, la spécificité de l’Anthropocène, que les termes euphémistes de l’éco-anxiété et de la solastalgie ne font qu’effleurer. Il est bien normal de ressentir cette souffrance existentielle à l’endroit de l’Écocide. Il ne s’agit pas seulement de ta propre souffrance, il s’agit de la souffrance de la Vie et de l’Humanité, il s’agit de la souffrance de milliards de milliards d’êtres non humains sensibles et de milliards d’êtres humains sensibles, intelligents et conscients, il s’agit de la souffrance de toute une Biosphère, de toute une planète, de la Conscience, en perdition dans l’Univers.

Cette souffrance n’est pas individuelle, elle est existentielle, spirituelle, métaphysique, éthique et politique. Cette souffrance est civilisationnelle. Cette souffrance est politique. Cette souffrance est totale.

Aucun individu n’a à la résoudre seul.

Femme, lotus et étang.

Pixabay – image libre de droits.




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