Méditation n°14 : quelles sont les idées à la base de ton désespoir écologique existentiel ?





Dans la méditation précédente, tu as cherché à savoir si c’était l’Écocide qui t’empêchait d’être heureux et en a conclu qu’il était peut-être à la première places des causes de ta souffrance existentielle. Il s’agit ici de creuser davantage cette souffrance qui t’habite, pour mieux la comprendre.

Le bouddhisme a montré que la souffrance morale était causée par l’illusion, l’aversion et le désir, l’absence de pensée juste c’est-à-dire des idées inadéquates au lieu d’idées adéquates. Le philosophe Baruch Spinoza a écrit que les affects tristes diminuent notre puissance d’agir. La psychologie a expliqué que la souffrance était liée à la dissonance cognitive, c’est-à-dire l’écart entre ce que nous désirons que le monde soit, ce que nous pensons qu’il est, et ce qu’il est réellement. C’est donc la pensée juste, les affects joyeux ou la réduction de la dissonance cognitive, selon ces théories, qui peuvent réduire la souffrance.

On parle énormément d’éco-anxiété et de solastalgie de nos jours, à mesure que se poursuit l’Écocide.

En suivant le fil de ces sagesses, philosophies et sciences psychologiques, il te paraît intéressant de dresser l’inventaire des cognitions qui pourraient être à la source de ta souffrance existentielle.

Sont-ce des pensées adéquates ou des illusions, des aversions, des désirs ? Sont-ce des affects joyeux qui augmentent ta puissance d’agir ou l’inverse ? Sont-ce des cognitions qui réduisent l’écart entre tes désirs, le réel et ce que tu en perçois ?

Fais l’inventaire de ces cognitions :

– « L’Écocide est en cours et s’accélère. »

– « L’habitabilité de la Biosphère est en train de s’effondrer à cause de l’Écocide. »
– « L’Écocide est aujourd’hui en partie inarrêtable, à cause de l’inertie du système combiné Anthropobiosphère. On ne peut plus choisir qu’entre plusieurs maux, entre plusieurs dystopies. »

– « L’Écocide, s’il n’est pas ralenti ou retardé, va finir par provoquer un effondrement brutal de la civilisation et il y aura des centaines de millions si pas des milliards de morts à cause de cet effondrement durant le XXIe siècle. »

– « La probabilité d’extinction de l’espèce humaine et d’une grande partie des espèces vivantes augmente également à mesure que l’Écocide se poursuit. »
– « C’est le fonctionnement de l’économie mondialisée, capitaliste, néolibérale, transhumaniste, de la Mégamachine, soutenue par une métaphysique illimitiste, qui provoque directement l’Écocide. »
– « Les politiques menées actuellement maintiennent et renforcent le fonctionnement écocidaire de l’économie mondialisée. »
– « Même si des individus et des collectifs se dressent courageusement ça et là, les sociétés restent massivement inertes par rapport au double constat de l’Écocide et des politiques écocidaires menées. Il n’y a aucun basculement électoral, aucune révolte d’envergure, aucune politique salvatrice, aucune émergence d’une force historique, sociale et politique, susceptible d’arrêter et inverser cette tendance générale, à ce jour. »
– « La seule et dernière manière de ralentir l’Écocide est de déclarer l’Etat d’Urgence écologique, une mobilisation générale au niveau international et une politique de décroissance juste planifiée démocratiquement. Cette politique ne peut réussir que si elle est menée simultanément dans une majeure partie du monde. »
– « La seule manière de rendre une telle politique possible est qu’émerge rapidement un mouvement pour la Métamorphose, c’est-à-dire une force politique consciente de la situation, capable de formuler une vision et une politique de décroissance juste et démocratique, capable de convaincre la majorité de la population, capable d’accéder au pouvoir, capable de gouverner l’Etat, capable de mettre en œuvre cette politique d’urgence, capable de maintenir l’adhésion de la population, sur une longue période. Il faut qu’émerge une proposition philosophique, culturelle et politique pour la Métamorphose. »
– « Les causes ultimes de notre trajectoire sont liées au fonctionnement de notre cerveau, à notre métaphysique, à notre éthique, à notre politique et à nos institutions, et à l’inertie déterministe du système combiné Anthropobiosphère qui rendent très difficile la sortie de notre trajectoire (lock in & path dependency). »
– « La seule manière pour qu’émerge rapidement un mouvement pour la Métamorphose est que des leaders politiques émergent capables d’initier, élargir, structurer et orienter un tel mouvement. »
– « La seule manière pour que ces leaders puissent réussir soit qu’une avant-garde culturelle convainque la majorité de la population de la possibilité, de la nécessité, de la désirabilité et du contenu concret d’une nouvelle métaphysique, éthique, politique, configuration institutionnelle. Il faut qu’émerge une demande pour la Métamorphose. Nous avons besoin d’une Renaissance écologique à laquelle contribue toutes les forces créatives de la société. »
– « Aujourd’hui, je n’observe -sauf quelques signaux faibles, très faibles- encore aucune dynamique significative susceptible de faire émerger de tels leaders, une telle avant-garde culturelle, une telle demande pour un tel mouvement, un tel mouvement qui offre une telle vision. »

– « En raison de ce qui précède, le scénario du pire demeure le scénario le plus plausible à toutes échelles de temps, c’est-à-dire un effondrement mondial des écosystèmes, du vivant, de la population humaine, augmentant nettement le taux d’extinction et le risque de notre propre extinction. »
– « La seule force qui semble aujourd’hui capable de mettre fin à l’Écocide, à l’Effondrement, est la Biosphère elle-même, Gaïa, au prix d’un nombre incalculable de victimes humaines et non humaines. »

– « Une fois détruites par eux-mêmes, les causes de l’Écocide et de l’Effondrement, ces mégaphénomènes se ralentiront et s’arrêteront d’eux-mêmes, modulo leur inertie. C’est-à-dire qu’en détruisant la Mégamachine à terme, Écocide et Effondrement vont mettre fin à leurs propres causes. »
– « Je risque de souffrir et de mourir à cause de l’Écocide, plutôt que de mener une vie sereine et heureuse et de mourir de cause naturelle. »

– « Ma famille et mes proches, la société autour de moi, risquent de souffrir et de mourir à cause de l’Écocide. »
– « Mon entourage, ma région, mon pays, mon gouvernement, semblent ignorer, ou nier, ou accepter cyniquement, ou contribuer sadiquement à la trajectoire mortelle que moi, je perçois, ce qui me plonge dans une profonde solitude existentielle et détruit toute ma confiance en l’Humanité. »
– « Mes tentatives de sonner l’alarme, et celles des autres personnes engagées, sont demeurées sans succès jusqu’à présent. J’ai l’impression, comme d’autres, d’avoir tout essayé. Je me sens totalement impuissant à contribuer à infléchir la trajectoire, ce qui renforce nettement ma souffrance »

– « Ma souffrance est encore démultipliée par ma conscience de la réalité et de son caractère dramatique, inacceptable, tragique, absurde. Il s’agit d’un supplice chinois de voir, savoir et ne pas pouvoir. Une triple peine. »

Du moins, jusqu’à présent.


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