Méditation n°1 : Urgence de vivre




Vanité.

Tu ressens l’urgence de vivre, l’urgence d’exister. C’est une des causes de ta souffrance. Mais aussi une source de ta joie. Comment trouver le juste milieu, la mesure ?

Qu’est-ce ? C’est ce sentiment que ton temps est précieux, limité, irréversible. Que chaque choix est un renoncement. Que tu n’auras pas d’autre vie. Que quand tu mourras ta vie sera terminée. Cela t’inflige une pression considérable. Tu dois aller vite, tu dois courir. Alors que les actions possibles à tout instant sont en nombre illimité, bien que contraintes par les limites de l’existence humaine, ta vie sera un seul et unique chemin fait d’un seul choix d’action à chaque instant.

Qu’est-ce qui cause ton sentiment d’urgence de vivre ? Tu identifies plusieurs éléments :

  • l’Urgence ou soif de sauver la Vie et l’Humanité
  • la Mort ou soif d’exister
  • la Gloire ou soif de reconnaissance, d’estime
  • le Savoir ou soif de savoir
  • La Puissance ou soif de changer le monde
  • la Vie ou soif de vivre


Toutes ces réalités t’incitent à courir, plus vite, sans t’arrêter. Avant qu’il ne soit trop tard.

L’Urgence t’impose un devoir éthique majeur : tu te dois d’agir d’urgence pour minimiser le Mal, pour minimiser la Souffrance, pour minimiser le nombre de victimes, de morts et le risque d’extinction de l’Humanité et de la Vie sur Terre. Mais ce devoir doit rester humain. Sinon tu entres dans un complexe du sauveur ou un complexe du messie, et tu tombes en burnout.

La Mort t’impose une prise de conscience : ton temps s’écoule, seconde après seconde. Tu dois te dépêcher de vivre avant de mourir. Mais où est-ce que tu cours ? Vivre, n’est-ce pas marcher et profiter du chemin ?

La soif de reconnaissance ajoute une pression supplémentaire. Non seulement tu dois vivre, mais tu dois obtenir l’estime des autres pour tes actes. Et si tu fixes la barre très haut, cela peut prendre beaucoup de temps d’y parvenir. Si tu fixes la barre trop haut, cela n’arrivera jamais. Mais à force de courir après la reconnaissance des autres, quand est-ce que tu prends le temps d’exister ?

La soif de savoir t’invite à dévorer la presse, les livres, les articles, les films. Plus vite tu sauras, plus vite tu pourras bien vivre. Mais si tu passes ton temps à augmenter ton savoir, quand est-ce que tu vivras ?

La soif de puissance t’invite à déployer une énergie considérable pour augmenter ta puissance d’agir, améliorer tes connaissances et tes performances, accéder à des fonctions influentes et démultiplier ton activité pour influencer la marche du monde. Plus tu seras puissant, plus tu pourras changer la marche du monde. Mais ta puissance est limitée, il y a plein de choses que tu ne pourras jamais changer, et sans l’assentiment ou la participation de l’Autre, même ce que tu pourrais changer, tu n’y arriveras pas. Tu pourrais déployer une énergie incroyable que ça ne changerait pas ce constat. En outre, ton énergie est limitée et fonctionner en surrégime ne peut que conduire à l’effondrement de ta santé et de tes forces.

Enfin, au plus profond de toi, tu sens cette pulsion jaillissante de vie, Eros, boulimique d’existence, d’expérience, de savoir, de joie, de plaisir, de rencontres, d’étourdissement. Mais si tu ne fais qu’agir, tu t’épuises, tu brûles la chandelle par les deux bouts, tu détruis ton corps vivant, support de ta vie donc de ton existence.

Tu comprends rapidement que si la Vie et l’Existence sont bonnes, si la pulsion de vie est bonne, si une certaine volonté de cueillir le jour est bonne, ce sentiment d’urgence de vivre est dangereux pour ta santé.

L’urgence de vivre te conduit à être impatient, ambitieux, exigeant, perfectionniste, irascible, insatisfait. L’urgence de vivre brutalise ton esprit, ton corps, ton âme. L’urgence de vivre t’épuise. Il n’y a pas que la vita activa, il y a aussi la vita contemplativa. Exister pour un humain, c’est être conscient de vivre.

Alors oui, sois conscient de la finitude de ton existence. Mais prends aussi conscience de la finitude de ton corps. La vie n’est pas un sprint vers une ligne d’arrivée fantasmée, c’est une longue ballade à travers champs, forêts, lacs et rivières. Pourquoi courir ? Marche. Prends le temps de vivre. Elargis ta conscience. Fais le vœux d’exister. La vie est un chemin.



Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *