Le désespoir et le découragement écologiques




Le désespoir est la perte de tout espoir, une affliction extrême et sans remède. Il est plutôt de l’ordre de la pensée, des affects.
Le découragement est la perte de courage et d’énergie, l’abattement. Il est plutôt de l’ordre de l’action, du tonus.
Ces deux maux fondé sur l’affect de tristesse poussent à l’immobilité, la prostration, l’inertie, le laisser-aller et au pire, au suicide.

Bien sûr, le désespoir et le découragement ont toujours fait et feront toujours partie de la condition humaine. L’Adversité, l’Absurde et le Tragique règnent et Exister exige une forme d’espoir et de courage forcément irrationnelle, un pari fou, une foi infondée. Mais la survenue de l’Ecocide crée une nouvelle forme de désespoir et de découragement d’ampleur métaphysique et existentielle. Pourquoi ? Parce que désormais, l’habitabilité de la planète Terre est menacée d’être détruite, donc la Vie est menacée de s’effondrer, donc l’Humanité est menacée de s’effondrer. Dans les pires scénarios, l’espèce humaine et toute vie sur Terre pourraient s’éteindre de manière précoce.
C’est pourquoi on parle de plus en plus d’éco-anxiété et de solastalgie.

J’ai déjà réfléchi à tout ceci est ma conclusion est la suivante : face à l’Ecocide, ni le désespoir ni le découragement ne sont de rigueur.

Pourtant je dois bien l’avouer, face aux nouvelles écologiques chaque jour plus accablantes et l’inertie des sociétés humaine devant l’Urgence, je suis très régulièrement en proie au désespoir et au découragement. Au point de sombrer dans une certaine sidération et une certaine inertie. En effet, quand la perspective est faite d’effondrements, lorsque le futur lui-même s’effondre, il devient très difficile de donner un sens classique à son existence. Tous les projets, même ceux qui s’inscrivent dans un au-delà de sa propre vie, deviennent dérisoires. Ne parlons même pas des écogestes.

J’ai tendance à penser que ces sentiments sont radicalement neufs dans leur portée. Même si toutes les générations qui nous ont précédés ont succombé à des formes diverses de désespoir et de découragement parfois existentiels, j’ai la conviction que la perspective de l’Ecocide crée une forme radicalement nouvelle de désespoir et de découragement, d’ampleur métaphysique. De facto, la condition humaine a changé.

Bien sûr, on parle aussi de l’énergie du désespoir. Mais cette énergie conduit parfois à des actes désespérés. Paradoxalement, le désespoir peut mener à une réaction salvatrice mais aussi mener à une expression destructrice. C’est l’énergie du désespoir qui anime les activistes écologiques. Vont-ils succomber à des actes de désespoir ?

Albert Camus a bien montré, dans Le mythe de Sisyphe et dans L’homme révolté que l’absurde notre condition devait nous mener à la révolte et non au désespoir et au découragement. Et que la révolte devait être bornée par la défense de l’humanité et de la vie.

La finalité de la poursuite de l’aventure humaine sur Terre pourrait paraître justifier tous les moyens. Mais ce serait anticiper la fin de cette aventure que de succomber à la barbarie au motif de nous sauver de nous-mêmes.

Le désespoir, peinture d’Edvard Munch, 1894.


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