Méditation n°48 : pour qui vas-tu voter ce 9 juin 2024 ?


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Cela fait des mois que tu y songes et cela te torture l’esprit : pour qui vas-tu voter lors des méga-élections de l’année 2024 ? Malheureusement, aucune offre politique ne te semble à la hauteur de l’Urgence écologique. Dans ce dernier billet avant les élections, tu plaides pour aller voter valablement, voter en ayant la démocratie, la justice sociale et la soutenabilité écologique comme premiers critères de choix, voter avant tout pour des candidates et des candidats à la hauteur, c’est-à-dire crédibles pour faire bifurquer leur parti et le gouvernement de notre société. Faute de mieux.

Demain, le dimanche 9 juin 2024, auront lieux des méga-élections. Méga à plusieurs titres. D’abord parce qu’elles concernent de nombreux niveaux de pouvoirs auxquels tu es soumis : élections régionales, communautaires et fédérales belges et européennes du 9 juin 2024 (NB : puis auront lieu les élections communales et provinciales belges du 13 octobre 2024, ce qui renforce le caractère d’année méga-électorale). Ensuite parce tu n’es pas seul à voter : des élections concernent plusieurs milliards d’électeurs qui se rendront aux urnes quelque part dans le monde cette même année. En outre, parce que ces élections ont lieu d’une part, après des législatures qui, pour la plupart et partout dans le monde, ne se sont pas hissées à la hauteur de l’Urgence écologique et, d’autre part, avant des législatures suivantes qui risquent de se terminer dans la même inaction générale. Enfin, parce que depuis l’essor d’un mouvement climatique international qui a explosé dans la foulée du rapport spécial du GIEC de 2018 et de son été catastrophique, les choses ont relativement mal tourné dans le monde -une pandémie, des ruptures d’approvisionnement, des guerres, une crise de l’énergie, la montée de l’extrême-droite, etc.-, et ce sont désormais ces forces d’extrême-droite et de droite, réactionnaires et antiécologiques qui ont le vent en poupe.

Face à cela, les partis progressistes sont à la peine.

Ainsi, nombreux sont les observateurs avisés qui anticipent un recul de la démocratie, de la paix et de l’écologie, au moment où nous avons besoin de l’inverse. Autrement dit, alors que la maison brûle de plus en plus, nous regardons ailleurs, nous jouons aux cartes, nous devenons autoritaires en famille, nous nous battons à coups de poings et nous continuons à jeter de l’huile sur le feu.

Un seul de ces phénomènes serait suffisant pour faire de ces élections des méga-élections, dont on attendrait qu’elles constituent une bifurcation mondiale pour éviter plus de catastrophes. Cependant, les probabilités semblent indiquer que, si bifurcation il y a, ce sera plutôt vers des scénarios pires encore que le scénario tendanciel, inertiel, écocidaire, qui prévalait. Des scénarios non seulement écocidaires mais aussi désormais antidémocratiques, autoritaires et violents.

Alors, dans ce contexte, pour qui voter ?

Tu as ressentis l’immense désaffection populaire qui s’est répandue depuis plusieurs années envers la politique, les gouvernements, les élus, les partis, la démocratie elle-même. Nombreuses sont les personnes autour de toi qui te disent vouloir s’abstenir de voter, voter blanc, panacher leur vote, voter pour des nouveaux partis ou ne pas parvenir à sortir de l’indécision. Le désarroi démocratique est gigantesque.

Le ressentiment du peuple est palpable qui prépare les âges sombres.

Alors tu as caressé toi aussi la tentation de la colère, d’envoyer tout en l’air, en n’allant pas voter, en votant blanc, en votant pour des partis qui surfent sur cette colère, afin de sanctionner les partis qui t’ont déçu.

Mais toute ta réflexion, éthique, logique, tactique, t’y ramène toujours : tu dois voter, et tu dois voter de façon responsable.

Bien sûr, tu n’ignores pas, en tant qu’économiste connaisseur de la théorie des jeux, que ton vote est individuellement insignifiant, donc irrationnel d’un point de vue strictement utilitariste, et qu’il ne devient signifiant qu’en intégrant dans ta théorie du choix des éléments d’ordre éthique et des effets sociologiques. Pourquoi diable te torturer autant, dans ce cas ?

Bien sûr, tu n’ignores pas, en tant qu’instruit des théories de la démocratie délibérative et participative, que les élections sont un système particulièrement faible, contestable et inefficace d’agglomération des préférences politiques, de choix des représentants politiques, d’attribution des fonctions de gouverner, et d’appréciation ou sanction des gouvernements et législatures précédentes. Tu n’ignores pas non plus que le système électoral et particratique belge est particulièrement obscur et biaisé au point d’en devenir antidémocratique en lui-même.

Bien sûr, tu sais très bien qu’aucun parti, même le plus proche de tes opinions, ne se hisse, par sa vision, sa stratégie, son programme, son discours, ses cadres, ses candidats, à la hauteur de l’Urgence.

Mais, parce que tu te fixes d’être responsable et exemplaire dans ton Engagement, et parce que cet Engagement comprend ton action en tant que citoyen, doté du droit de vote, dans une démocratie, tu conclus que tu dois voter, voter de façon responsable, et donner l’exemple ce faisant.

Mais pour quel parti voter ?

On vote pour des candidats et des partis mais avant tout, dans notre particratie, pour des partis.

Tout converge. Tes valeurs, tes préoccupations, tes analyses tactiques, tes tests électoraux disent la même chose : tu dois voter écologiste et, si pas, pour un ou plusieurs autres partis de gauche qui intègrent suffisamment l’enjeu de l’Urgence aux différents niveaux de pouvoir concernés par ces élections. Tu restes un écologiste jusque dans tes trippes, et aussi un humaniste, un libéral, un socialiste et un communiste écologisés. Tu es viscéralement un démocrate. Ta sensibilité est fondamentalement de gauche. Et tu penses que la seule voie est désormais celle de la décroissance.

C’est alors que survient un premier bémol. Le doute est sérieux et concerne l’ensemble des électeurs. L’Urgence écologique nécessite que la démocratie se hisse à sa hauteur, donc que l’écologie devienne culturellement hégémonique et politiquement majoritaire, donc que suffisamment de partis suffisamment écologistes puissent former des majorités et mettre en œuvre des accords de majorité suffisamment ambitieux, donc que ces partis soient électoralement et gouvernementalement performants, donc très bien dirigés, organisés, staffés et que leur personnel soit très professionnel. Si tel n’est pas le cas au sein des partis qui revendiquent l’intégration de l’Urgence écologique, la société entière a un problème. Leurs ministres n’ont pas le droit d’être incompétents, leurs cabinets des pétaudières et leur stratégie, celle d’une poule sans tête.

Bien sûr, il ne faut pas jeter le bébé de l’écologie avec l’eau du bain d’un ou plusieurs partis.

Contrairement à la manière dont la plupart des gens les considèrent, les partis ne sont pas des ensembles monolithiques, cohérents, uniformes qu’on pourrait affubler de tel ou tel adjectif péremptoire, sans aucune réflexion. Il est impératif de distinguer entre plusieurs éléments qui forment ensemble le « système parti » : le parti, les chefs du parti, les cadres, les élus, les ministres, les conseillers, les cabinets, l’idéologie, la vision, la stratégie, la tactique, le programme, le positionnement, le discours, le fonctionnement, la gestion des ressources humaines, la déontologie, le professionnalisme, etc. Ainsi qu’évaluer sa situation, au sens historique, sociétal, stratégique et tactique. Est-il dans l’opposition ou dans la majorité, seul ou en coalition, en situation de force ou de faiblesse, aidé ou empêché par les circonstances, etc. ?

Mais même en tenant compte de ces nuances essentielles, personne ne peut affirmer que les partis écologistes furent, sous cette législature, et malgré leur présence à de nombreux niveaux de pouvoir, à la hauteur de l’Urgence. Personne ne peut affirmer que ces équipes pourraient perdre en ayant joué à leur meilleur niveau, à tous les postes sur le terrain. Au contraire, les supporters des écologistes sont fondés à se montrer très critique envers leur mauvais jeu collectif, et la piètre performance de certains joueurs clefs, indigne de l’enjeu du match.

Cependant, la perfection n’est pas de ce monde, ni en une personne ni en un parti ni dans l’exercice politique du gouvernement des sociétés. Ce constat réaliste impose non le choix du parti parfait – qui n’existe pas –, mais le choix des meilleurs candidats disponibles et du meilleur parti disponible. Aucun parti existant ne se montre malheureusement à la hauteur face à l’Urgence. Bien au contraire, la plupart de ceux qui le prétendent ne sont pas crédibles sur l’expertise et les actes, comme certains partis d’extrême-gauche, de gauche ou de centre-gauche. Pire : certains partis – d’extrême-droite, de droite ou de centre-droit – collaborent ouvertement à l’Écocide planétaire, même si peu le revendiquent ouvertement ! Bien peu au fond parmi les partis sont véritablement écologistes, malgré leurs discours parsemés de verdure.

Finalement, malgré leurs impardonnables défaillances, les partis écologistes restent ceux qui sont le plus proche de l’écologie dont nous avons besoin même s’ils sont encore loin, très loin, du compte.

Il n’y aurait donc pas le choix vu ces arguments : tu devrais voter pour ces partis.

Mais comment alors sanctionner l’idéologie inconséquente, la mauvaise vision, la stratégie inefficace, la tactique naïve, le programme insuffisant, le positionnement maladroit, le discours euphémiste, le fonctionnement chaotique, la gestion des ressources humaines indigne, la déontologie en défaut et le manque de professionnalisme crasse de tant d’écologistes de parti ?

Deuxième bémol, aucun parti significatif ne se revendique de la décroissance. Si tu la juges indispensable et qu’elle n’est pas proposée, pour qui voter ? Et comment la faire adopter par un ou plusieurs partis au moyen du vote ?

Tu dois le constater, l’outil électoral, ton vote, ne permet pas d’apporter les corrections que tu voudrais, d’exprimer et de rendre utiles les constats que tu as faits. On ne peut écrire aucun commentaire à côté de la case de vote. Cela démontre encore une fois que nos démocraties et leurs systèmes électoraux sont encore extrêmement frustres et frustrants, pour les citoyens qui souhaitent disposer de leurs pleines prérogatives civiques, exprimer un message qui ne soit pas binaire.

Tous comptes faits, le désir légitime de s’exprimer pleinement et démocratiquement doit se confronter au principe de réalité : il faut faire avec le système électoral, la particratie et les partis actuels, leurs quelques qualités et leurs immenses défaillances. La frustration, saine, légitime, juste, ressentie par peut-être la majorité de la population et la majorité des électeurs écologistes, doit se mettre en retrait sous la bienveillance de la raison responsable. Il va falloir ici choisir DANS ce système, parmi les candidats et les partis qui se présentent, même si on est convaincu que les solutions efficaces ne s’y trouvent toujours pas.

Enfin, il faut évoquer le risque que l’affaiblissement de la démocratie fait courir au traitement de l’Urgence. Tu es convaincu qu’il est impossible de mettre en œuvre une politique écologique sans la démocratie. La lutte écologiste est donc forcément une lutte démocratique. Si la soutenabilité écologique préconditionne les sociétés humaines, la vigueur démocratique préconditionne la mise en œuvre d’une politique écologique. C’est pourquoi il faudra en tenir compte dans ton vote.

En conclusion :

  1. Tu actes qu’il n’existe en ce moment ni hégémonie culturelle ni majorité politique pour une écologie à la hauteur de l’Urgence.
  2. Tu iras néanmoins voter de façon valide.
  3. Tu voteras avant tout pour des candidates et candidats, en leur accordant tes voix de préférences.
  4. Tu voteras pour des candidates et candidats qui veulent effectivement défendre la démocratie, la justice sociale et la soutenabilité écologique, en étant capables de peser au sein de leur parti pour qu’il hausse son niveau de jeu, et à condition que ce parti puisse effectivement peser dans les institutions.
  5. En corollaire, tu ne donneras aucun vote aux candidats et aux partis qui n’offrent nul espoir de sursaut.






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