Tout est lié.

Anonyme


Impossible de penser notre époque sans parler d’écologie, un terme particulièrement riche de significations quotidiennes, scientifiques, philosophiques et politiques (sociales, démocratiques et économiques). Pour certains, c’est la clef du futur, pour d’autres, c’est un gros mot, une insulte. On pourrait dire qu’il y a des « écophiles » et des « écophobes ». Je voudrais démontrer en tout cas qu’il est impossible de penser -tout court- sans l’idée de l’écologie. Je postule qu’une pensée non écologisée, aujourd’hui, est épistémologiquement fausse.

Le mot « écologie » ouvre un gigantesque champ de pensée et d’action que l’Humanité n’a pas fini d’intégrer. Tant que l’Écocide se poursuit, nous sommes dans l’Urgence. Tant que nous détruisons nos conditions de vie sur Terre, tant que nous refusons à tous les êtres vivants, nous compris, le droit d’exister, nous sommes obligés de changer notre manière de penser.

Il s’agit pour commencer de reconnaître les usages, rigoureux ou imprécis, clairs ou ambigus, cohérents ou contradictoires, des mots « écologie, écologie scientifique, écologue, écologie politique, écologisme, écologiste, philosophie écologique, écolo, environnement, environnementalisme, environnementaliste, etc. »

Nous parlerons d’abord ici d’écologie en tant qu’écologie scientifique car il s’agit du substrat essentiel de toutes les déclinaisons du mot « écologie ».

L’écologie, ou écologie scientifique (pour la distinguer en tant que discipline scientifique de l’écologie politique), est une science qui étudie les interactions des êtres vivants entre eux et avec leur milieu. L’ensemble des êtres vivants, de leur milieu de vie et des relations qu’ils entretiennent forme un écosystème. L’écologie fait partie intégrante de la discipline plus vaste qu’est la science de l’environnement (ou science environnementale).

Une définition généralement admise, particulièrement utilisée en écologie humaine, admet l’écologie comme étant « le rapport triangulaire entre les individus d’une espèce, l’activité organisée de cette espèce et l’environnement de cette activité » ; l’environnement est « à la fois le produit et la condition de cette activité, et donc de la survie de l’espèce ».

Le terme « écologiste » peut désigner un scientifique spécialisé dans l’étude de l’écologie, un adepte de l’écologisme, ou partisan de l’écologie politique. Le terme « écologue » désigne plus spécifiquement un spécialiste de l’écologie, qu’il soit chercheurbiologiste ou ingénieur, et aurait été inventé, dans les années 1980, pour distinguer les scientifiques des militants.

Le terme écologie est construit sur le grec οἶκος / oîkos, « maison, habitat » et λόγος / lógos, « discours ») : c’est la science de l’habitat. Il fut inventé en 1866 par Ernst Haeckelbiologiste darwiniste. Dans son ouvrage Morphologie générale des organismes, il désignait par ce terme « la science des relations des organismes avec le monde environnant, c’est-à-dire, dans un sens large, la science des conditions d’existence ».

Dans le champ scientifique, le terme « écologie » désigne la science qui a pour objet l’étude des relations des êtres vivants (animauxvégétauxmicro-organismes, etc.) entre eux ainsi qu’avec leur habitat ou l’environnement dans son ensemble. Ces interactions déterminent la distribution et l’abondance des organismes vivants sur Terre. Ainsi, en science, l’écologie est souvent classée dans le champ de la biologie. Elle étudie deux grands ensembles : celui des êtres vivants (biocénose) et le milieu physique (biotope), le tout formant l’écosystème.

Ce terme d’écosystème, contraction de l’expression « système écologique », renvoie à la théorie des systèmes et permet de placer l’écologie dans un contexte plus général. Elle peut alors être définie comme étant la science des écosystèmes, l’écosystème étant une unité d’appréhension de la nature. On étudie les écosystèmes à l’aide d’un « macroscope », selon l’expression imagée de Howard T. Odum.

Une conception plus restreinte définit l’écologie comme l’étude des flux de matière et d’énergie (réseaux trophiques) dans un écosystème.

Écologie — Wikipédia (wikipedia.org), amendé par votre serviteur.

On peut ensuite parler d’une autre écologie : l’écologisme ou écologie politique, qui désigne le courant philosophique et politique d’idées qui insiste sur la prise en compte des enjeux écologiques dans l’action politique et dans l’organisation sociale. Mouvement culturel et historique nourri d’influences de divers mouvements (tels que le féminisme, le tiers-mondisme, le pacifisme, la non-violence, l’anarchisme, l’autogestion, la lutte contre le nucléaire civil et militaire, la protection de la nature, la démocratie directe, etc.), l’écologie est politique lorsqu’elle appelle à une profonde transformation du modèle économique et social actuel ainsi qu’à une remise à plat des relations entre l’être humain et son environnement (cf. Wikipedia : Ecologie politique, Ecologisme).

On doit distinguer l’écologie scientifique en tant que discipline scientifique. Toutefois, les écologistes sérieux, qui en font une affaire politique, fondent leur pensée philosophique et politique sur la science écologique. Si l’on veut les distinguer, un « écologue » sera un scientifique spécialiste de la discipline de l’écologie scientifique, tandis qu’un « écologiste » sera un citoyen, activiste, politicien qui partage les idées de l’écologie politique.

Dans le champ politique, certains auteurs voudront absolument distinguer écologisme d’écologie politique mais dans ma conception des choses, c’est inutile. Je préfère reconnaître au courant politique écologiste dans son ensemble le « -isme » qui a également été employé par l’humanisme, le socialisme, le communisme et le libéralisme. En effet, je considère le courant de pensée écologiste comme équivalent en termes d’importance historique, même s’il est beaucoup plus émergent et récent que les autres précités. Dans un sens étroit, l’écologie politique se réfère uniquement aux partis qui se revendiquent d’un courant particulier, comme Ecolo en Belgique, à l’exclusion d’autres courants écologistes alternatifs, comme l’écosocialisme, l’éco-communisme ou la décroissance. Cependant, on doit admettre que ces courants peuvent se recouper en partie.

Les mots « environnement » et « environnementaliste » s’imbriquent dans les déclinaisons du mot écologie mais sont à différencier.

L’environnement est une notion précise de l’écologie scientifique qui désigne « l’ensemble des éléments (biotiques et abiotiques) qui entourent un individu ou une espèce et dont certains contribuent directement à subvenir à ses besoins », ou encore « l’ensemble des conditions naturelles (physiques, chimiques, biologiques) et culturelles (sociologiques) susceptibles d’agir sur les organismes vivants et les activités humaines ». On parle plus largement des « sciences environnementales« , dont fait partie l’écologie scientifique.

« Certains auteurs tels Murray Bookchin distinguent « écologisme » et « environnementalisme ». Pour eux, l’environnementaliste est un militant ou professionnel qui défend l’environnement sans faire de politique, tandis que l’écologiste serait censé essayer de faire passer prioritairement les idées écologiques de l’écologisme dans la vie de la cité et donc dans la politique » (Wikipedia). On voit vite que cette distinction est relative selon ma vision élargie de la Politique : écologiste ET environnementaliste font de facto de la politique, institutionnellement (parti, ONG) ou pas d’ailleurs (sympathisant, activiste). En pratique, on utilise souvent indistinctement environnementaliste et écologiste.

Les mots « environnement » et « environnementaliste » reflètent parfois l’ancienne manière de penser en silos, où l’environnement est une dimension extérieure à la sphère humaine, et non systémique, de l’existence, une manière de penser qu’il s’agit donc d’abandonner. Le mot « environnementaliste » permet toutefois à certains individus de s’engager sans vouloir se revendiquer formellement du courant (partisan) de l’écologie politique au sens étroit (même s’ils le font de facto avec la définition qui précède). De nombreux écologistes sont en effet fâchés avec les partis écologistes.

Dans l’histoire, des philosophes, scientifiques et activistes ont contribué à l’émergence de l’écologie au sens le plus large. Nous y reviendrons car il existe une histoire de l’écologie, qui s’écrit encore aujourd’hui avec les luttes pour le climat, par exemple.

Je voudrais pour finir esquisser ma conception personnelle de l’écologie. En résumé, je l’associe à la méthode complexe du philosophe Edgar Morin. C’est-à-dire que je considère que l’écologie est une révolution copernicienne de notre métaphysique, une nouvelle manière de penser et d’agir holistique, c’est-à-dire qui vise à appréhender le tout et pas seulement les parties, qui reconnaît les phénomènes de la complexité et des systèmes. Cette nouvelle manière de penser, cette nouvelle vision du monde (donc métaphysique), implique une nouvelle ontologie, une nouvelle épistémologie, une nouvelle éthique et une nouvelle politique.

C’est pourquoi, dans ma conception de l’écologie, il y a un continuum écologique de pensée, de discours et d’action très fort entre la science écologique ou écologie scientifique, la philosophie écologique et écologiste, et la politique écologique/écologiste ou écologie politique ou écologisme.

L’écologie nous invite à une « réforme de notre entendement », pour reprendre les mots du philosophe Emmanuel Kant. Nous devons penser autrement. Nous devons dépasser la méthode de pensée que nous avons adoptée jusqu’à présent si nous voulons survivre, vivre et exister en tant qu’individu, espèce et Humanité.

Nous devons tout écologiser en ce sens : l’Humanité, notre inconscient, notre pensée, notre discours, notre action, notre science, notre technologie, nos normes sociales, notre politique, nos institutions, notre Culture, etc.

Pour moi, l’écologie est le dépassement de l’humanisme, du socialisme, du communisme, du libéralisme, et tous les courants philosophiques et politiques du passé doivent être écologisés à nouveaux frais (éco-humanisme, éco-socialisme, éco-communisme, éco-libéralisme, etc.). Nous avons besoin d’une éco-métaphysique, d’une éco-ontologie, d’une éco-épistémologie, d’une éco-éthique, d’une éco-politique.

Cette réforme écologique de notre entendement est, vous l’aurez compris, urgentissime.

Image by Gordon Johnson from Pixabay


2 réponses à “Écologie”

  1. Avatar de Olivier Parks
    Olivier Parks

    Cher Cédric,

    Très bon article !

    L’éco-métaphysique que tu appelles, entre autres, à développer de manière urgentissime, chercherait notamment à appréhender le tout.

    Qu’intègres-tu, de manière substantielle et significative, dans ta conception du tout ? (Et d’ailleurs pourquoi pas écrire « la conception du Tout », à l’instar de ton « l’Humanité » ?)

    Est-ce que celle-ci irait au-delà des interactions entre êtres vivants, entre eux et avec leur environnement ? Au-delà de l’ontologie conventionnelle…

    Merci.

    Bisou,

    Olivier.

    1. Avatar de Cédric Chevalier

      Bonjour Oliver,

      Je réfléchis et médite « en poupées russes ». Il y a des concepts plus méta que d’autres, qui contiennent les autres. Le mot le plus large que j’utilise est Existence, c’est pour moi la première observation que nous pouvons faire et qui est incontestable « j’existe ». Certains pensent qu’ils sont seuls à exister et que « tout » est une projection de leur propre conscience, c’est le solipsisme (bien illustré dans Matrix, quand on est inconscient qu’on est dedans !). Je pense qu’on ne peut pas prouver que ce solipsisme est faux mais je considère qu’il est très improbable et donc que « autre chose que je » existe, donc que tu existes et que nous échangeons vraiment ensemble 😉 et qu’il y a un univers réel qui existe aussi. Donc j’ajoute à Existence : l’Autre (ce qui n’est pas moi) et l’Univers (l’ensemble de tout ce qui existe). Des philosophes distinguent des « modes d’existence » : celui des choses inertes comme les cailloux (rien n’est inerte en réalité, tout bouge en permanence, cf. les particules élémentaires en physique), celui des choses vivantes, celui des vivants intelligents, celui des êtres humains et peut-être celui des IA et des extraterrestres ! Donc pour répondre à ta question, le Tout pour moi est l’Existence, l’Autre et l’Univers, il n’y a rien d’autre que cela selon moi. Pour une discussion sur l’être, il faut lire Martin Heiddeger, et sur l’être et le néant, Jean-Paul Sartre. Et puis, comme tu en est instruit, il y a tous les modes de perception non philosophiques au sens classique comme les spiritualités, notamment la perception de l’être (Etre), du tout (Tout), qui peut être induite par la méditation ou les pratiques shamaniques par exemple. Je ne veux pas exclure a priori ces champs d’existence humains.

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