Le courage de dire vrai : limite et trangression


Publié le

Mis à jour le

,


« J’accuse… ! » est devenu le symbole de l’expression publique de l’intellectuel qui fait usage de la raison critique, en enfreignant sciemment la loi, au risque de sa personne, de ses biens et de sa réputation. C’est devenu le symbole de l’engagement éthique pour tous les intellectuels depuis lors. « J’accuse… ! » est le titre d’un article rédigé par Émile Zola au cours de l’affaire Dreyfus et publié dans le journal L’Aurore n° 87 du 13 janvier 1898 sous la forme d’une lettre ouverte au président de la République française, Félix Faure. Les conséquences furent particulièrement difficiles pour Zola. Il dut fuir en exil à Londres, fut condamné par la justice française, perdit ses biens, fut calomnié et menacé, et ne fut jamais accepté à l’Académie française. Il n’a jamais regretté son geste et l’Histoire a retenu son courage exemplaire.

Comme indiqué dans « Pourquoi créer mon propre site ?« , je souhaite produire un contenu librement dans le respect du droit et de l’éthique.

Le droit m’octroie la liberté de créer un site et y produire un contenu. La Constitution établit en effet que :

  • « Article 19 : La liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sont garanties, sauf la répression des délits commis à l’occasion de l’usage de ces libertés. »
  • « Article 25 : La presse est libre; la censure ne pourra jamais être établie; il ne peut être exigé de cautionnement des écrivains, éditeurs ou imprimeurs. Lorsque l’auteur est connu et domicilié en Belgique, l’éditeur, l’imprimeur ou le distributeur ne peut être poursuivi. »


Aucun droit ni aucune liberté ne se conçoit sans responsabilité.

Etant fonctionnaire, je jouis de droits et suis soumis à des obligations spécifiques par rapport au citoyen non fonctionnaire. Je suis soumis notamment aux devoirs de loyauté, de réserve et de dignité, tout en jouissant de la liberté d’expression.

Quand je suis détaché dans un cabinet ministériel, ma situation juridique se modifie en ce qui concerne ma liberté d’expression. Je n’en maîtrise pas tous les détails mais, bien que modifiés, les devoirs de loyauté, de réserve et de dignité continuent à s’appliquer pour moi. Je jouis toujours de ma liberté d’expression. Néanmoins, certaines règles déontologiques s’appliquent. Je ne peux œuvrer loyalement au service d’un ministre en contestant publiquement ses paroles et ses actes.

Le geste d’Émile Zola puis l’histoire tragique du XXe siècle nous a appris que le droit ne peut se substituer à l’éthique. Le droit évolue avec les conceptions du bien et du mal au sein de la société. Face à un droit qui contrevient à des principes éthiques fondamentaux, l’éthique justifie certains actes de lutte formellement illégaux ou irréguliers. Les démocraties se sont créées en infraction au droit de l’Ancien Régime, souvent par la révolution. De nombreux droits que nous chérissons, comme le droit de vote, les droits syndicaux, l’égalité des droits des femmes, ont été obtenus par la révolte, par la désobéissance civile. Aujourd’hui, on constate que la destruction des conditions de vie sur Terre est légale.

Néanmoins, on ne peut justifier qu’exceptionnellement d’enfreindre le droit pour des motifs éthiques. Même si une certaine jurisprudence a consacré au XXe siècle l’obligation d’enfreindre le droit pour des motifs éthiques supérieurs, cela ne peut se concevoir qu’avec la plus extrême prudence et la plus absolue parcimonie.

L’Urgence est assurément un motif éthique suffisant pour justifier des actes de lutte illégaux comme la désobéissance civile. Il s’agit même selon moi du motif éthique le plus élevé qui puisse exister pour justifier la révolte, puisque l’enjeu est l’existence de la vie et de l’espèce humaine toute entière sur Terre.

La limite et la transgression dans l’expression publique a également été abordée par les plus grands philosophes. Emmanuel Kant a bien distingué dans son texte répondant à la question « Qu’est-ce que les Lumières ? », les circonstances où l’obéissance aux lois et aux ordres s’impose et les circonstances où l’exercice public de la raison critique prévaut. Michel Foucault a étudié le « courage de dire vrai ». Albert Camus a écrit « L’homme révolté ». Je me hisse sur leurs épaules.

Dès lors, en tant que citoyen et a fortiori en tant qu’intellectuel, je me sens soumis à l’obligation éthique de m’exprimer dans l’espace public en faisant usage de la raison critique. Si la nécessité éthique me l’impose, je ne peux écarter la possibilité que j’enfreigne certaines lois et certaines règles déontologiques qui régissent ma liberté d’expression. Je le ferai autant que possible en justifiant mes actes et, dans l’esprit de la désobéissance civile, en acceptant toutes les conséquences légales et organisationnelles. La plupart du temps, je l’espère, ce ne sera pas nécessaire.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *