Portrait supposé d’Antonio Vivaldi, Bologne, 1723. Civico Museo Bibliografico Musicale Bologna

« Oh ces bonds de ferveur, profonds, puissants et tendres
Comme si quelque aile immense te soulevait,
Si tu les as sentis vers l’infini te tendre,
Homme, ne te plains pas, même en des temps mauvais ;
Quel que soit le malheur qui te prenne pour proie,
Dis-toi, qu’un jour, en un suprême instant,
Tu as goûté quand même, à cœur battant,
La douce et formidable joie,
Et que ton âme, hallucinant tes yeux
Jusqu’à mêler ton être aux forces unanimes,
Pendant ce jour unique et cette heure sublime,
T’a fait semblable aux Dieux. »

Extrait de La Joie, Emile Verhaeren, du recueil La multiple Splendeur, 1906.

Et si la joie était la voie profonde de l’Existence, la clef du Mystère qui ouvre l’accès à la plénitude de la Conscience ?

Les sages et les philosophes ont exploré plusieurs voies et finalités pour l’existence humaine : la foi, la vie éternelle, la réincarnation ou au contraire la sortie de la réincarnation, la vie bonne, la sagesse, le bonheur, le plaisir, la sérénité (l’ataraxie), la tempérance, la voie du milieu, l’éveil, etc. Parmi eux, Spinoza est un de ceux qui ont placé la joie au cœur de leur éthique, comme voie d’accès à la sagesse (augmentation de la puissance d’agir) et comme finalité de l’existence (la béatitude comme joie éternelle).

La joie est un phénomène qui s’empare du corps tout entier, une sensation, un affect, un sentiment, une émotion, une idée.

Il me semble que l’Univers tout entier exprime la joie d’exister, que la Vie au fond est expression de joie, que l’Humanité trouverait son bonheur dans le contemplation de cette joie universelle d’exister en tant qu’être vivant.

Pour un Humain, la joie émane de la contemplation et de l’action justes, de la vérité, du bien, du beau, du juste.

Ce qui exprime le mieux la joie pour moi est le retour de la lumière et la renaissance de la nature au printemps, la musique d’Antonio Vivaldi et les rires des enfants.

L’enfant vit une joie pure que l’adulte peine à retrouver. C’est pourtant ce retour à cet être-enfant qui permet de renouer avec la joie pure.

Il y a longtemps, un ami m’a dit qu’il suivait sa joie pour décider de la voie à prendre dans la vie. S’il ressentait de la joie, il savait que cela était bon, et inversement. A l’époque, j’ai trouvé ça un peu puéril, contraire à ce que je croyais être le sens du devoir éthique d’un adulte. Pour moi la joie était un agrément certes mais qui ne devait pas nous empêcher d’accepter certaines souffrances afin de répondre à nos obligations morales. Jusqu’à ce que je comprenne qu’il avait raison. Par la méditation, et par la lecture de Spinoza, j’ai compris l’alignement complet de l’éthique avec l’affect de joie, y compris dans la révolte et la résistance. J’ai compris que la joie se cachait même derrière ce qui pouvait avoir l’apparence du sacrifice ultime de sa vie pour une cause.

Depuis lors, la joie est devenue ma boussole.




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