Intelligence


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Nous qualifions d’intelligence une réalité dont nous avons tous une idée intuitive. Nous ne disons jamais d’un caillou qu’il est intelligent. En comparaison, et bien qu’elles nous paraissent stupides, les mouches disposent d’une intelligence élémentaire. Parmi les vivants non humains, nous trouvons les grands singes les plus intelligents. Et beaucoup de maîtres disent de leur chien qu’il est très intelligent. Mais les jardiniers ne parlent jamais ainsi de leurs plantes. Pourtant des travaux scientifiques récents parlent de « l’intelligence des plantes ». Nous savons tous très bien que nous, les Humains, surpassons de loin tous les autres êtres vivants en termes d’intelligence. Pourtant des millions d’Humains furent la proie de bêtes sauvages beaucoup moins intelligentes qu’eux durant la préhistoire. Au sein de notre propre espèce, nous sommes capables de différencier les individus en termes d’intelligence. Certains adultes handicapés mentaux échouent à exécuter une tâche simple, à lire, à écrire, à compter et à se débrouiller seuls tandis que certains enfants de 12 ans parviennent à battre aux échecs la plupart des adultes.

Un enfant comprend ces choses. Cela prouve que l’intelligence existe et que le mot « intelligence » désigne bien cette réalité que nous percevons intuitivement. S’agissant d’un phénomène important, nommons-là Intelligence avec un grand I.

Le mot courant « intelligence » suffit à désigner grossièrement le phénomène général de l’Intelligence. Mais les philosophes et les scientifiques ont élaboré des définitions plus précises et rigoureuses pour cerner tout ou partie de ce phénomène général.

Osons un inventaire amateur, dans l’Intelligence, il y a :

  • Une entité qu’on sait posséder la propriété « intelligence » ou pour laquelle on évalue la possession de cette propriété ;
    • Cette entité peut être multiple ou unique. On peut en effet observer une forme intelligence distribuée au sein de l’entité « fourmillière » qu’il est impossible d’observer chez une seule fourmi, qui dispose cependant d’une intelligence individuelle indéniable.
  • Une activité de cette entité ;
    • C’est par l’activité de l’entité que l’on peut observer qu’elle dispose d’intelligence. Mais il peut s’agir d’une activité « passive », comme lorsqu’un coquillage se trouve protégé des prédateurs en restant dans sa coquille.
    • C’est un premier élément d’évaluation relatif de l’intelligence.
  • Une finalité par rapport à laquelle on peut évaluer l’existence et le niveau de l’intelligence ;
    • À ce stade, on pourra dire que la finalité générique de l’intelligence est l’autopréservation et l’autoréplication, ce qui s’applique parfaitement aux êtres vivants.
    • C’est un deuxième élément relatif.
  • L’emploi de moyens par l’entité pour atteindre cette finalité ;
  • Une situation dans laquelle l’entité agit, emploie ses moyens, aux services de la finalité examinée ;
    • On pourra parler d’environnement, de milieu, de contexte, et l’intelligence s’évaluer clairement en fonction de cela.
    • C’est un troisième élément relatif.
  • La situation comprend l’espace-temps mais aussi les autres entités éventuellement intelligentes qui déploient également leur activité, potentiellement adverse ;
    • C’est un quatrième élément relatif.
  • Une performance évaluable dans l’atteinte de la finalité par rapport à une mesure objective de la complexité et de la difficulté de la situation ;
  • Parmi les moyens employés, et de manière cruciale, le moyen consistant à traiter l’information issue de la situation est ce qu’on nomme précisément l’intelligence.


De cette manière très générique, l’intelligence serait la propriété d’une entité agissante capable de traiter l’information qu’elle collecte en direction d’une finalité et usant de moyens en situation, notamment face à d’autres entités, avec une certaine performance.

Cela distingue radicalement l’intelligence de la simple « réaction » ou « feedback » des entités inanimées.

Cela distingue également l’intelligence d’autres moyens comme la force physique, l’endurance, la sensibilité, la vitesse, etc. Par rapport à ces moyens, l’intelligence apparaît comme un méta-moyen, capable de les gouverner tous, en démultipliant leurs effets de manière synergique. On peut clairement relier la notion d’intelligence à la notion de stratégie.

L’intelligence est une propriété émergente de la Vie au cours de l’Évolution, elle-même émergence de la matière inanimée. L’intelligence se fonde sur la sensibilité (ou excitabilité pour les biologistes) et permet à son tour la conscience qui en émerge.

L’intelligence peut être « engrammée » dans l’entité de sorte qu’elle nous paraisse le résultat d’un automatisme, nommé « instinct » pour les êtres vivants. Ainsi de l’intelligence collective des fourmis qui semble davantage issue d’automatismes instinctifs issus de millions d’années d’évolution que d’une computation reprise à nouveaux frais à chaque heure de la vie d’une fourmilière. Ainsi également de « l’intelligence » d’une calculatrice. Mais elle peut aussi émerger hors de toute engrammation, comme une stratégie inédite est élaborée par l’entité agissante, comme lorsqu’un singe ou un être humain en situation inconnue, emploie des moyens d’une manière originale, voire inédite, pour atteindre une finalité donnée. Ou comme lorsqu’une IA le fait…

C’est par le critère de la performance qu’on peut classer les entités en termes d’intelligence, ou une action spécifique d’une entité par rapport à d’autres actions de la même entité ou d’autres entités. Exemplifions : on peut classer le caillou, la mouche, la fourmi, le singe, l’adulte handicapé, l’enfant de 12 ans joueur d’échec, ses adversaires adultes, etc. sur différentes échelles de mesure de l’Intelligence, selon la définition spécifique qu’on donnera à l’intelligence pour cette mesure. Mais on peut aussi classer l’action de l’enfant à tel moment par rapport à une autre action à un autre moment, dans une autre situation, et dire que l’action A révèle davantage d’intelligence que l’action B.

La finalité par rapport à laquelle on l’évalue n’emporte aucune considération éthique dans une conception générale de l’Intelligence à mon sens.

Ainsi on pourra très bien évaluer l’intelligence d’un robot tueur par rapport à sa performance en termes du nombre d’Humains tués par intervalle de temps sur un champ de bataille, comme on pourra évaluer la performance d’un leader activiste qui s’engage pour le climat, selon le critère de l’intelligence déployée en situation.

Dans cette conception, l’intelligence est un instrument qui peut aussi bien faire le Mal que le Bien.

Une autre conception, plus orientée éthiquement, pourrait imposer la contrainte que l’Intelligence ne peut se concevoir qu’en tant qu’elle mène à un plus grand bien. Mais cela poserait de nombreuses questions problématiques sur son évaluation chez les êtres vivants non humains et chez les entités non vivantes. Nous verrons dans notre examen de l’intelligence artificielle que ce point est crucial.

Nous nous en tiendrons donc à une conception anéthique de l’Intelligence à ce stade.

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