Toute personne qui publie et commente sur les réseaux sociaux fait vite connaissance avec de nombreux désagréments, pour ne pas dire avec l’enfer d’Internet. Le medium écrit, la configuration des systèmes de discussion en ligne, les algorithmes qui priorisent certains contenus, et parfois les plus polémiques, bref, les plateformes des réseaux sociaux en général, ont des conséquences qui semblent trop souvent défavorables au débat d’idées convivial.

L’idéal démocratique et moderne de deux individus adultes qui échangent de manière conviviale leurs opinions afin d’en débattre afin de s’approcher ensemble d’une vérité plus adéquate est très rarement réalisé en pratique, et encore moins semble-t-il sur les réseaux sociaux.

Ceux-ci semblent plutôt le lien de la bêtise, de l’agression, de l’ignorance et de l’orgueil. On pourrait se demander pourquoi y perdre une seule seconde de sa vie.

L’ego, depuis toujours, crée des tensions, des disputes voire des agressions artificielles entre les Humains. Pour la plupart, nous tendons à nous identifier vigoureusement à nos idées en parvenant très difficilement à accepter la pure critique des idées elles-mêmes et non des personnes qui les véhiculent. Or l’identification du Soi avec certaines idées est souvent purement fortuite, et n’est pas une nécessité. Nous avons toutes et tous intérêt à ce que les idées les plus adéquates l’emportent sur les idées inadéquates. Et le débat d’idée, la confrontation avec la pensée d’autrui, par la lecture, le dialogue ou le débat serré, est souvent la meilleure manière d’entrer en réflexivité et d’améliorer sa propre pensée.

Cependant, par un mécanisme très ancien qui existait déjà avant les technologies de la communication, nous sommes très vite les victimes amères et frustrées d’échanges malfaisants. Chacun rentre chez lui dos à dos, maudissant l’humanité entière. Est-ce une fatalité ?

Un débat a toujours plus de chance de mal finir que de bien se dérouler. Et une loi humaine constante est que l’immense majorité des gens ne change pas d’avis par le simple fait de débattre avec autrui. Vouloir faire changer d’avis autrui est presque comme vouloir modifier la course des planètes autour du Soleil.

Chacun devrait se demander premièrement s’il conçoit pouvoir se tromper ou bien s’il est doué d’omniscience et d’infaillibilité de naissance, et deuxièmement s’il envisage qu’autrui puisse lui enseigner quoi que ce soit, avant d’engager le moindre débat. Mais qui a cette sagesse ?

Le dialogue de sourds a encore de beaux jours devant lui…

Alors parce que je suis moi-même un être humain imparfait, parce que j’aspire à atteindre une pensée la plus juste possible, parce qu’il m’importe que mes contemporains aient une démarche semblable pour mon propre bien et celui de toutes et tous, parce que je souhaite m’engager comme intellectuel public, et parce que je souffre particulièrement des échecs de dialogue, je me propose un code de conduite sur les réseaux sociaux.

Je m’engage à le respecter autant que possible et j’invite mes interlocuteurs à se fixer également leur propre code de conduite, le plus convivial possible.

Par un effort de lucidité, j’envisage que cette tentative soit vouée à l’échec, et je me réserve la possibilité de ne plus engager le débat sur les réseaux sociaux le cas échéant.

1. Les finalités et les moyens de ton Engagement tu définiras rigoureusement.
2. L’usage des réseaux sociaux comme moyen d’Engagement tu évalueras et définiras sévèrement. Tes objectifs et moyens d’Engagement sur les réseaux sociaux tu définiras rigoureusement.
3. Le temps que tu consacres aux réseaux sociaux strictement tu limiteras.
4. Ton ignorance et ton impuissance tu contempleras lucidement.
5. Toujours serein et convivial tu resteras. Jamais personne tu ne violenteras.
   • Ni insultes
   • Ni mensonges
   • Ni procès d’intention
   • Ni ironie
   • Ni moquerie
6. La liberté de chacun tu respecteras, y compris la liberté de penser et d’agir, dans les limites du respect de toi-même.
7. L’égalité de chacun tu respecteras, y compris la dignité inhérente à chacun de penser comme il peut et veut.
8. Ton interlocuteur tu apprendras à reconnaître. Ton jugement tu suspendras. L’opinion de l’autre tu chercheras à comprendre.
9. La contradiction et la critique d’autrui tu accepteras. De réagir à chaud tu t’abstiendras.
10. La maïeutique, la bienveillance et l’humour autant que possible tu utiliseras.
11. Dans des débats stériles tu ne t’engageras pas.
12. Les personnes toxiques tu banniras, après deux avertissements.

Le débat de Socrate et Aspasie, Nicolas-André Monsiau, vers 1800.