Immortalité


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L’immortalité, Xavier Mellery, ca 1890 (accompagnée de vers de Victor Hugo).

Qu’est-ce que l’immortalité ? Que signifie-t-elle ? Est-elle une illusion ou un phénomène réel ? Est-ce un phénomène déjà actuel, ou seulement potentiel ? Penchons-nous imparfaitement sur cette question qui taraude l’Humanité depuis très longtemps, peut-être depuis qu’elle enterre ses morts, donc qu’elle existe.

L’immortalité ne semble pas exister au sens propre. La mort est un phénomène qui ne s’applique que dans le vivant. On parle de la « mort d’une étoile » en astronomie mais il s’agit d’un sens figuré. Même si elle est un phénomène dynamique durable, l’étoile n’est pas vivante au sens biologique du terme. Ne meurent que les vivants. La mort aide à définir la vie.

La Vie elle-même, le phénomène du vivant dans l’Univers, semble vouée à mourir, à disparaître comme phénomène. La Vie n’est pas immortelle.

La Vie paraît moins mortelle quand elle est prise comme ensemble, que ce soit la Vie dans l’Univers, la Biosphère de la Terre, un écosystème, une espèce, l’Humanité, un peuple ou une famille d’êtres humains. Elle paraît aussi plus immortelle à échelle de temps réduite. L’espèce humaine nous paraît à nous contemporains, immortelle. La Vie est pourtant bien mortelle à toutes les échelles, Humanité comprise. Un jour, la Terre sera inhabitable, la Biosphère sera entièrement détruite, l’espèce humaine disparaîtra. Peut-être la vie naît et meurt-elle ailleurs dans l’Univers, et est-elle un phénomène omniprésent à tout instant, tant que l’Univers peut l’abriter sur un de ses milliards de milliards d’objet spatial ? Peut-être que la Vie, si elle a totalement disparu de l’Univers au moment t, peut naître à nouveau à partir de la matière inerte ? Si elle est apparue une fois quelque part à un moment donné, pourquoi ne pourrait-elle pas réapparaître une deuxième fois, voire une infinité de fois ?

Au figuré, on parle d’idées immortelles, comme par exemple de la « gloire immortelle ». Pourtant, l’impermanence implique qu’il s’agit là encore d’un abus de langage. Tôt ou tard, tout, même les idées, s’éteint comme phénomène. Le nom des personnes finit par sombrer dans l’oubli. Même si certaines idées semblent irréversibles au temps t, comme l’idée de justice ou de liberté, elles n’existeront que tant qu’une espèce intelligente existera pour les transmettre. Et peut-être ne sont-elles que des illusions.

Paul Valéry a écrit cette phrase célèbre : « Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. » Les humains, les monuments et les culturelles des civilisations du passé ont presque entièrement disparu du Réel, se sont décomposés en poussière, et ne subsistent que sous forme d’infimes traces.

Qu’en est-il spécifiquement de l’immortalité humaine ? Certaines religions, certains philosophes, certains milliardaires transhumanistes parlent d’immortalité de l’âme, de l’esprit, du corps, voire de la vie humaine individuelle. Avant, on ne pouvait imaginer l’immortalité du corps par aucun moyen. Aujourd’hui, on le peut. Mais rien ne prouve que ce soit possible. Avant, on imaginait l’immortalité de l’âme ou de l’esprit, au-delà de la mort du corps. A ce jour, l’être humain reste définitivement mortel. Personne n’a pu faire la preuve publique de l’existence de quelque chose d’humain après la mort. Seuls des individus en sont convaincus mais ne peuvent le prouver.

La Mort, instance suprême de notre finitude, est bien le grand problème de l’Humanité depuis toujours. La Culture existe presque entièrement pour la conjurer. Nous tendons à haïr la mort, à l’oublier pour mieux vivre. C’est pourquoi l’immortalité ne peut être que le plus grand fantasme de notre espèce.

Des écrivains pourtant ont exploré la potentialité de l’immortalité, dans des œuvres comme Entretien avec un vampire de Anne Rice, Tous les hommes sont mortels de Simone de Beauvoir ou Une vie sans fin de Frédéric Beigbeder.

Leurs expériences de pensée n’étaient pas rassurantes. L’immortel semble encore plus confronté à l’absurde que le mortel. Tôt ou tard, il a tout pensé, tout dit, tout fait, en bien et en mal. Tout a changé et rien n’a changé. Il vit avec des fantômes tandis que les humains commettent encore et toujours les mêmes erreurs, rejouent sans cesse les mêmes tragédies. Certains concluent donc que c’est la mort qui donne le plus de sens à l’existence. Sans elle, nous sommes encore plus confronté au néant.

La mort est peut-être bien ce qui donne sens à la vie car elle donne une valeur encore plus grande aux êtres et aux choses, dont nous comprenons le caractère fragile et éphémère, donc précieux.


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